lundi, 17 août 2009 15:49

Whaterver Works

Après cinq ans d’exil en Europe, où il a successivement tâté du cynisme british («Match Point») et de l’imperfection du désir ibère («Vicky Cristina Barcelona»), Woody Allen revient à New York, sa ville natale où il a tourné presque tous ses films. Pour son retour aux sources, le réalisateur a jeté par-dessus bord son pessimisme foncier pour signer une comédie au titre révélateur, «Whatever Works» qui, en français, équivaut à l’expression «du moment que ça marche».

Ancienne gloire scientifique new-yorkaise boudée par les honneurs, Boris Yellnikoff est quitté par sa femme, au lendemain d’une tentative de suicide, dont le ridicule ne l’a hélas pas tué… Pauvre et solitaire, il déverse sa bile sur ses amis et les gamins auxquels il donne des leçons d’échecs pour gagner sa maigre pitance.

Tout change le jour où il croise la route de Melodie, une provinciale sudiste égarée dans les rues de la Grande Pomme. Inculte, naïve, bourrée de préjugés, la toute jeune femme constitue l’antithèse du misanthrope atrabilaire. Or, contre toute attente, cette rencontre improbable va tourner en idylle miraculeuse… En la personne du comédien Larry David, créateur et interprète de la série «Larry et son nombril», Woody Allen a en plus trouvé un parfait alter ego! Jubilatoire!

Vincent Adatte

lundi, 17 août 2009 15:46

Coraline

Réalisateur de «James et la pêche géante» et de «L’étrange Noël de Monsieur Jack», le cinéaste d’animation Henry Selick atteint les sommets avec «Coraline», un conte formateur que les plus jeunes auront avantage à découvrir en compagnie d’un adulte téméraire, frissons obligent!

Fillette indépendante, au caractère trempé, Coraline a pourtant le blues. Forcée de déménager, elle se retrouve avec ses parents dans une bien sinistre demeure. Rivés au clavier de leurs ordinateurs, son père et sa mère passent leur temps à rédiger des manuels de jardinage, alors qu’ils abhorrent les fleurs. Laissée à elle-même, notre héroïne finit par découvrir un passage secret qui la conduit dans un univers parallèle constituant une copie conforme au sien, en bien mieux! Ses «autres» parents l’accueillent en effet à bras ouvert, l’entraînent dans un monde magique, lui prodiguant mille attentions.

Seule ombre à ce tableau idyllique, ce papa et cette maman de rechange ont, en lieu et place de leurs yeux, deux gros boutons noirs plutôt inquiétants… N’en disons pas plus, sinon que Selick confère une vie fascinante à ses marionnettes. Mixte de technique traditionnelle et de technologie numérique, «Coraline» témoigne d’une invention fabuleuse, au diapason de sa complexité psychologique!

Adeline Stern

lundi, 17 août 2009 15:43

Antichrist

Attention, âmes sensibles vraiment s’abstenir, même si tout cinéphile digne de ce nom ne saurait faire l’économie de cette œuvre certes très choquante, mais qui sonde au plus profond le mystère de la différence des sexes. Annoncé comme un film d’horreur, le dernier Lars Von Trier est bien plus que cela!

D’emblée, le spectateur assiste, impuissant, à la mort d’un petit garçon, qui se défenestre, alors que ses parents font l’amour. Après ce prologue filmé en noir et blanc, au ralenti, d’une beauté intolérable, l’on retrouve la couleur et, à l’enterrement du bambin, le père en pleurs et la mère, raide, impénétrable, qui finit par s’évanouir. Quelques semaines plus tard, l’homme rallie avec sa femme un chalet isolé, répondant au nom ironique d’Eden. Psychothérapeute, il commence à traiter sa compagne, toujours traumatisée, selon une méthode comportementaliste qui confine au sadisme.

Leur relation va alors tourner au cauchemar éveillé, émaillé de violences insupportables, au sein d’une nature splendide où le chaos règne… Empruntant à Jérôme Bosch, Bergman, Lynch, Tarkovski et Dreyer son maître, le réalisateur de «Dancer In the Dark» (2000) délivre des visions sidérantes qui ne laisseront personne indemne!

Vincent Adatte

lundi, 17 août 2009 15:41

L’Attaque du Métro 123

Le nouveau film du frère de Ridley Scott constitue le «remake» des «Pirates du métro» (1974) de Joseph Sargent, régulièrement cité dans les encyclopédies spécialisées pour la causticité de ses dialogues. Rompu à la pratique du cinéma d’action, Tony Scott en a fait un face à face palpitant entre deux stars hollywoodiennes.

Aiguilleur placide du métro à New York, Walter Garber (Denzel Washington) doit veiller au bon déroulement du trafic suburbain. Or voilà que la rame Pelham 123 vient à s'immobiliser sans explication. Commence ainsi un véritable cauchemar. Un dénommé Ryder (John Travolta), criminel doué d’une vive intelligence, a pris en otage la rame et ses passagers. Flanqué de trois complices lourdement armés, cet individu peu recommandable menace d’exécuter tous les voyageurs si on ne lui verse pas dans les meilleurs délais une rançon astronomique. Pour une raison mystérieuse, Rydey exige de traiter directement avec l’aiguilleur sans histoire…

Au-delà des conventions du genre, le réalisateur d’origine britannique délivre une image de l’Amérique pour le moins crépusculaire, avec son cortège de flics corrompus, de politiciens véreux et de braves types rongés par la mauvaise conscience.

Adeline Stern

lundi, 17 août 2009 15:13

Jaffa

Très remarqué dans maints festivals, le deuxième long-métrage de Keren Yedaya se déroule à Jaffa, un faubourg de Tel-Aviv où se côtoient étroitement les Israéliens, installés depuis 1948, et les descendants des Arabes qui, à l’époque, ont refusé de quitter leur ville. L’Etat les appelle «Arabes israéliens», mais ces derniers préfèrent se définir comme des Palestiniens vivant en Israël.

Dans un petit garage de Jaffa dont les propriétaires sont israéliens, Hassan et Toufik, un père et son fils arabes, travaillent comme mécaniciens dans une ambiance sereine, sauf dans les moments où Meir, le fils du patron, est présent. Paresseux et méprisant, ce dernier ne supporte pas la compétence de Toufik. Leur antagonisme finit par tourner au drame. Suite à une violente altercation, Meir meurt accidentellement…

Le drame va être d’autant plus dévastateur que Mali, la sœur de Meir, entretient une liaison secrète avec Toufik. Enceinte, elle était même sur le point de partir avec son amant… Avec «Jaffa», Keren Yedaya signe un film très dérangeant et donc salutaire, prenant pour cible l’hypocrisie sociale qui est au cœur des contradictions de la société israélienne. Au final, l’espoir, certes fragile, l’emportera…

Vincent Adatte

Photographe mondialement connu pour ses clichés aériens (rassemblés dans le livre «La Terre vue du ciel»), le Français Yann Arthus-Bertrand a voulu lancer avec «Home» un véritable cri d’alarme, en pariant sur la beauté pour nous faire prendre conscience de l’urgence de la situation, sachant que l’on annonce plus de deux cents millions de «réfugiés climatiques» avant 2050.

Par le biais d’images saisissantes qui témoignent de l’Eden à sauver, «Home» commence par un «historique» de notre planète, de sa genèse à l’apparition de l’espèce humaine, jusqu’à sa destruction progressive par notre unique faute. L’heure n’est donc pas à la béatitude esthétique, même si la vision des trois milles tours édifiées en vingt ans à Shanghai est proprement sidérante.

Ce qu’il ne montre pas (paysages souillés, pollutions, déforestations, massacres d’animaux), Arthus-Bertrand le dit sans ambages dans un commentaire dépourvu de toute ambiguïté! En résulte un spectacle dont les beautés indicibles serrent la gorge, bien que le cinéaste croie encore au sursaut de lucidité, à une possible victoire des solidarités contre les égoïsmes. Dans tous les cas, il est de toute façon bien «trop tard pour être pessimiste»!

Adeline Stern

lundi, 17 août 2009 15:06

Still Walking

Cinéaste hanté par le thème de la disparition, l’indispensable Hirokazu Kore-eda s’interroge dans la plupart de ses films sur «la capacité des individus de vivre en dépit de ce qu’ils ont perdu». Chaque année, au cœur de l’été, la famille Yokohama accomplit un rituel célébrant la mémoire du fils aîné, décédé quinze ans plus tôt, en tentant de sauver un enfant de la noyade.

Médecin, le père ne s’est jamais remis de la mort de celui qui devait reprendre le cabinet médical. Prétérité par cette absence qui pèse, le fils cadet se sent mal aimé et procède à des choix de vie peu appréciés par ses parents. De son côté, la fille, marié à un homme sans caractère, semble plus sensible à son confort qu’aux sentiments, rêvant de récupérer la maison familiale.

Dans la lignée des grands maîtres comme Naruse et Ozu, le réalisateur de «Maboroshi» (1995), «After Life» (1998) ou «Nobody Knows» (2004) orchestre ce cérémonial tissé de non-dits avec une tendresse et un humour paradoxaux. Comme son titre l’indique, la promenade (il y en a plusieurs dans le film) reste le moyen le plus adéquat de refermer la blessure, à l’exemple du fils qui ralentit l’allure pour s’accorder à la démarche hésitante du père… Un chef-d’œuvre discret mais imparable!

Vincent Adatte

lundi, 17 août 2009 15:03

Jeux de Pouvoir

Le réalisateur britannique Kevin MacDonald mène une carrière atypique, alternant des fictions et des documentaires dont les protagonistes ne laissent pas d’inquiéter, à l’exemple du tyran Idi Amin Dada en «Dernier roi d’Ecosse» (2006) ou du «Boucher de Lyon» Klaus Barbie dont il retrace les exactions gestapistes dans «Mon meilleur ennemi» (2007).

Pour son cinquième long-métrage, MacDonald a momentanément délaissé sa galerie de monstres pour adapter au cinéma une excellente «mini série» de la BBC réalisée en 2003 et diffusée par Arte en 2007. Avec l’aide de l’auteur de ce thriller cathodique, le réalisateur en a transposé l’action à Washington, tout en conservant son titre original («State of Play» en anglais).

Elu siégeant au Congrès, Stephen Collins (Ben Affleck) préside le comité qui épluche les dépenses du ministère de la Défense. Jeune et ambitieux, il voit soudain son avenir politique compromis par le suicide suspect de son assistante. Journaliste d’investigation redouté, Cal McAffrey (Russel Crowe) est chargé par sa rédactrice en chef d’enquêter sur ce fait très peu divers. Ami de longue date du politicien, Cal va alors aller de surprise en surprise, effectuant une plongée en eaux sacrément troubles!

Adeline Stern

mardi, 14 juillet 2009 16:34

Departures

Dimanche, ce film sera précédé d’une petite restauration thématique dès 19h. Réservation conseillée au 079 290 43 42.

De façon plutôt inattendue, «Departures» a remporté l’Oscar du meilleur film étranger, devançant les favoris désignés par la rumeur, notamment «Entre les murs» de Laurent Cantet et «Valse avec Bachir» d’Ari Folman. Immense succès au Japon, produit par la Shochiku, une Major tokyoïte versée dans le mélo, «Departures» constitue le quarante-deuxième film du sieur Yojiro Takisha, expert en cinéma de genre.

Après la dissolution pour cause de faillite de l’orchestre symphonique où il jouait du violoncelle, Daigo se retrouve sans travail. Quittant Tokyo avec son épouse, il retourne dépité dans sa ville natale. Répondant à une petite annonce d’«aide aux départs», notre chômeur musicien se présente dans ce qu’il croit être une banale agence de voyages. En réalité, il s’agit d’une société de pompes funèbres.

Appâté par un bon salaire, Daigo accepte cependant le job, mais n’en souffle mot à sa femme, car la profession de croque-mort est très mal considérée au Japon. Initié par un vieux maître laconique, notre protagoniste apprend l’art subtil des rites funéraires et finit même par y devenir virtuose… Entre rires et larmes, humour noir et profonde émotion, un nouvel exemple de la merveilleuse étrangeté du cinéma nippon!

Adeline Stern

mardi, 14 juillet 2009 16:31

Public Enemies

AvecMartin Scorsese, le cinéaste américain Michael Mann est l’un des tout derniers grands auteurs hollywoodiens, de l’espèce de ces «contrebandiers» géniaux passant en douce dans leurs films apparemment conformes une critique acérée du système de production auquel ils font mine d’adhérer.

Après le formidable et crépusculaire «Miami Vice» (2006), où il se permettait de démystifier sa propre série télé, le réalisateur s’attaque au film de gangsters de la grande époque, prenant prétexte d’une biographie de John Toland Dillinger (1903-1934), qui fut sans doute le premier délinquant pris au piège de la médiatisation ourdie par l’Etat avec la complicité très active d’Hollywood.

Mann a concentré son scénario sur la dernière année de la brève existence de son protagoniste. Tournant dans le format numérique HD (haute définition), Mann feint le grand reportage, comme si vous y étiez. Mais ne vous laissez pas tromper, les dés sont pipés. Pris dans la nasse médiatique, l’«ennemi public n°1» ne s’appartient plus. Au fur et mesure du film, ce jeu de miroirs prend une dimension vertigineuse et très ironique, le gangster joué à la perfection par Johnny Depp s’identifiant peu à peu à son modèle hollywoodien, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Fascinant!

Vincent Adatte

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