The Dark Knight Rises
Dans les deux épisodes précédents, «Batman Begins» (2006) et «The Dark Knight» (2008), Christopher Nolan déconstruisait de façon magistrale la psyché trouble de son protagoniste masqué. Pour mémoire, Bruce Wayne (Christian Bale) finissait par endosser le meurtre du procureur-adjoint corrompu Harvey Dent, soucieux de pas ternir l’image de la justice…
Le dernier volet de la trilogie du mythe Batman revisité par le réalisateur de «Inception» (2010) commence par un cambriolage commis par Catwoman (Anne Hathaway). Ce faisant, cette dernière met la main sur les empreintes digitales de notre super héros capé, empreintes qu’elle s’empresse de revendre au terroriste Bane (Tom Hardy)…
Comme toujours, Nolan confère à son film d’anticipation une dimension contemporaine passionnante, appliquant par exemple à Gotham City les rigueurs du «Den Act» qui fait furieusement penser au «Patriot Act» concocté par les sbires de Bush Junior, au lendemain du 11 septembre 2001.
Vincent Adatte
The Angels’ Share
Dimanche 26 août, ce film sera suivi d’un brunch.
Dans la lignée de «Looking for Eric» (2009), Ken Loach nous rejoue la comédie en compagnie de délinquants à l’accent jubilatoire de Glasgow. Avec cette très généreuse «Part des anges», le Britannique nous fait don d’une fable revigorante autour des déboires d’un jeune père de famille dans la mouise.
Houspillé par son beau-père, morigéné par le tribunal, Robbie écope de travaux d’intérêt général et se retrouve à œuvrer avec Rhino, Albert et la petite Mo, d’autres jeunes de sa condition. Au cours d’une initiation au whisky, il se découvre un «nez» d’enfer! Incognito dans ses kilts, la bande fait alors route vers le nord de l’Ecosse, histoire de piller quelques distingués connaisseurs de single malt…
Entre réalisme social et comédie débridée, «La part des anges» retrouve ce ton si cher à Loach et à son scénariste Paul Laverty. Observateurs lucides et sarcastiques de la faillite de notre société néolibérale, ils n’hésitent pas à conférer au whisky un étonnant pouvoir rédempteur!
Vincent Adatte
Starbuck
Voilà vingt ans David Wosniak faisait régulièrement «don» de son sperme pour arrondir ses fins de mois. La quarantaine passée, ce livreur boucher québécois d’origine polonaise s’apprête à connaître les joies d’une véritable paternité malgré son sens très particulier des responsabilités.
Las, cet éternel adolescent découvre alors qu’il est déjà le géniteur de quelque cinq cent trente-trois enfants majeurs et très déterminés à retrouver leur père biologique…
Porté par un acteur prodigieux dans le registre nounours paumé (Patrick Huard), «Starbuck» est une comédie «familiale» loufoque d’un genre inédit, où l’ironie le dispute à la tendresse. Toxicomane, militant, sportif ou gothique, les bambins anonymes de David forment une communauté bien dans l’air du temps… Une comédie québécoise au ton original et à l’accent délicieux, à aimer sans modération!
Adeline Stern
Jane Eyre
Premier roman enfiévré de Charlotte Brontë (1816-1855), «Jane Eyre» a été porté plus de quarante fois à l’écran. Réalisateur de «Sin Nombre» (2008), drame réaliste très tendu sur l’immigration d’Amérique centrale vers les Etats-Unis, Cary Fukunaga propose du chef-d’œuvre de l’aînée des sœurs Brontë une nouvelle adaptation transcendée par deux acteurs au sommet de leur art!
Œuvrant parfaitement dans le registre du malheur et les brumes des landes anglaises, Fukunaga condense à merveille la trame de ce roman bouillonnant de passions rentrées… Jane Eyre (Mia Wasikovska) entre au service du pasteur Edward Rochester (Michael Fassbender). Elle a pour charge de veiller à l’éducation d’une petite fille, fruit des amours dissolues du maître des lieux.
Mal repenti, l’ombrageux Rochester se peut s’empêcher d’être sensible aux charmes de Jane. La jeune fille va dès lors s’efforcer de sauvegarder sa dignité, luttant contre le sentiment ambivalent et tourmenté qui l’envahit…
Vincent Adatte
Almanya
Lors d’un repas de famille, Hüseyin et son épouse Fatma annoncent à leurs enfants et petits-enfants rassemblés autour de la table qu’ils viennent d’obtenir leur passeport allemand et qu’ils ont acheté une maison en Turquie. En joie, les aïeuls invitent aussitôt tous leurs proches à venir y passer les prochaines vacances d’été.
Mais le petit Cenk de s’interroger: «On est turcs ou allemands?». «Turcs» répond son père, «Allemands» rétorque sa mère blonde comme les blés… Le gosse se montre évidemment perplexe. Pour l’éclairer, sa cousine entreprend alors de lui raconter la saga familiale, commencée dans les années soixante, dans un petit village d’Anatolie…
Pour son premier long-métrage, la jeune réalisatrice allemande d’origine turque Yasemin Samdereli a choisi de traiter sur un mode tendre et léger la problématique de l’intégration. En résulte une comédie très enlevée, avec une certaine Angela Merkel en «guest star»… Un énorme succès outre-Rhin!
Vincent Adatte
Rebelle (3D)
En un Moyen Âge reculé, une jeune princesse rouquine n’en fait qu’à sa tête. Passant son temps à galoper à travers la lande écossaise, Merida décoche aussi des flèches dont la précision redoutable impressionne tous les archers mâles du royaume.
Cette indépendance farouche fait évidemment le désespoir de ses parents, le bon Roi Fergus et la très autocontrôlée Reine Elinor qui aimeraient voir leur fille respecter les convenances dues à son titre et à son sexe. Tout se précipite le jour du tournoi de tir à l’arc qui doit désigner parmi tous ses prétendants le futur époux de Merida. Mais l’indomptable se dérobe en remportant la joute dont elle devait être seulement spectatrice…
Rachetée en 2006 par Disney, la société Pixar est en train d’insuffler à l’empire de feu l’Oncle Walt son dynamisme exceptionnel et tout son savoir-faire en matière de nouvelles technologies. D’une facture irréprochable, «Rebelle» en fait la preuve!
Adeline Stern
Marley
Né à Kingston, fils d’un officier blanc britannique et d’une mère noire jamaïcaine, Bob Marley est mort en 1981, atteint d’un cancer généralisé, à l’âge de 36 ans. Au fil du temps, cette figure charismatique a acquis valeur d’icône, gardant intact son pouvoir de fascination.
Avec le soutien financier de la famille du chanteur, le cinéaste britannique Kevin McDonald restitue aujourd’hui cette destinée exceptionnelle, concrétisant un projet auquel Martin Scorsese s’était déjà intéressé par le passé. Le réalisateur du «Dernier Roi d’Ecosse» (2006) ne verse pas pour autant dans l’hagiographie réductrice, même si la personnalité apostolique de son protagoniste pouvait l’y inciter.
Mettant en perspective des images d’archives inédites et les témoignages de proches, McDonald réussit en effet à faire de l’auteur et interprète de «No Woman, No Cry» un portrait très révélateur de sa personnalité souvent divisée, et qui n’est de loin pas destiné à ses seuls fans!
Vincent Adatte
Holy Motors
Boudé à Cannes, «Holy Motors» fait déjà figure de «chef-d’œuvre maudit» qui bruisse d’hommages au cinéma tant aimé par son auteur. Révélé par «Boys Meets Girls» (1984) et «Mauvais Sang» (1986), coulé par le naufrage des «Amants du Pont-neuf (1991), évanoui depuis «Pola X» (1999), Léos Carax revient à lui par le biais d’un film à nul autre pareil !
Somnambule en pyjama, le cinéaste ouvre le bal en pénétrant par effraction magique dans une salle de cinéma, où il va continuer de rêver en convoquant onze hétéronymes, soit autant d’incarnations de lui-même, tous joués par Monsieur Oscar (Denis Lavant), acteur protéiforme qui a pour loge une limousine blanche sillonnant les rues de Paris.
Avec une aisance sidérante, Lavant devient tour à tour banquier, mendiante étrangère, clochard cannibale, vieillard à l’agonie… De façon inouïe, ce jeu transformiste fait pulser à chaque fois le cœur du septième art avec, en sus, un faux entracte qui restera gravé dans nos mémoires de cinéphiles!
Vincent Adatte
Rock Forever
Débarquant de sa province, Sherrie tombe amoureuse de Drew, un gars de la ville. Tous deux sont mordus de rock et veulent percer dans le milieu. Fidèles à la tradition américaine, ils sont prêts à commencer tout en bas, pour vivre leurs rêves… Et tout en bas, cela consiste à servir des bières et du whisky bon marché au Bourbon Room, une boîte décrépite où, jadis, se produisaient des stars légendaires…
Pour sauver le club de la faillite, Sherrie et Drew ont alors l’idée de convaincre le bestial Stacee Jaxx de venir donner un concert mémorable… Adapté d’une comédie musicale à succès de Broadway, «Rock Forever» est un condensé aussi énergique que nostalgique d’une certaine «rock attitude».
A l’exception des deux jeunes groupies, les stars du film sont en effet elles-mêmes des reliques eighties surannées: Alec Baldwin en patron de club désespéré, Catherine Zeta-Jones en mairesse conservatrice médusée et, surtout, Tom Cruise en rocker débridé au sex-appeal cryogénisé!
Adeline Stern
The Deep Blue Sea
Scénariste de tous ses films, le réalisateur britannique Terence Davies s’est fait connaître des cinéphiles dès 1984 grâce à sa trilogie autobiographique composée de trois moyens-métrages où il raconte sa propre vie, jusqu’aux circonstances de sa mort.
Adapté d’une pièce de Terence Ratigan, auteur aujourd’hui démodé, le sixième long-métrage de fiction du réalisateur des formidables «Distant Voices, Still Lives» (1988) et «The Neon Bible» (1996) restitue avec une puissance dramatique inouïe les derniers moments d’un amour malheureux. Au début des années cinquante, une jeune femme prépare minutieusement son suicide dans une chambre minable d’un immeuble du nord de Londres…
Par le biais de retours en arrière, le cinéaste va nous révéler comment Lady Hester Collyer (Rachel Weisz) en est arrivée à cette dernière extrémité. Mariée à un magistrat plus âgé qu’elle, Hester a sacrifié une vie de luxe pour vivre une passion impossible avec son amant, ex-héros de la Royal Air Force…
Adeline Stern