Amador
Dimanche 18 novembre, «Soirée Espagnole» de la Librairie Clin-d’œil, ce film sera précédé de lectures et musiques autour du poète Miguel Hernàndez, puis d’un buffet proposé par le Cercle espagnol de Ste-Croix.
Le cinquième long-métrage du réalisateur des «Lundis au soleil» (2002) et de «Princesas» (2005) commence dans une banlieue madrilène tristounette où des immigrés clandestins péruviens récupèrent des roses flétries délaissées par les fleuristes, pour les «ranimer» et les vendre dans la rue. Las, le réfrigérateur salvateur tombe en panne!
Enceinte, Marcela (Magaly Solier déjà admirée dans «Fausta, La Teta asustada») a alors la chance de trouver un autre job autrement rémunérateur. Il lui faut veiller sur Amador (Celso Bugallo), vieil homme malade dont les proches sont partis en vacances. S’instaure alors entre eux un début de complicité, quand…
Généreux, teinté d’«humour sombre», empreint d’une poésie philosophique qui va droit au cœur, «Amador» fait montre néanmoins d’une amoralité réjouissante, clin d’œil à la situation économique catastrophique de l’Espagne.
Adeline Stern
Looper
Assailli de prémonitions qu’il lui faut déjouer, Joe (Joseph Gordon-Levitt) est un «looper», soit un tueur d’un genre particulier! En cette année 2044, il doit en effet éliminer un par un des témoins gênants qu’une organisation criminelle lui envoie depuis l’an 2072.
Mais le jour où il est chargé de supprimer son double plus âgé (joué par Bruce Willis), la machine à remonter le temps déraille… Mélange de film d’action et de science-fiction façon «Inception» (2010), «Looper» est un thriller haletant, émaillé de spasmes spatio-temporels et d’effets spéciaux dernier cri (dont un relookage numérique impressionnant du visage de Gordon-Levitt pour qu’il ressemble à celui de Willis).
Mieux encore, hanté par «La Jetée» (1962), le chef-d’œuvre de Chris Marker, dont Terry Gilliam s’était déjà inspiré pour «L’année des douze singes» (1995), Rian Johnson, jeune cinéaste prodige dont on reparlera, développe une réflexion sur la liberté de choix d’une profondeur et d’une complexité affolante!
Vincent Adatte
Hiver nomade
Dimanche 11 novembre à 11h la projection aura lieu en présence du réalisateur et d’une partie de son équipe et sera suivie, pour ceux qui le désirent, d’un brunch. (réservations au brunch recommandées).
Avec trois ânes, quatre chiens et huit cents moutons, Pascal et Carole commencent la longue transhumance hivernale à travers la Suisse romande. Bravant les intempéries, avec pour seul abri une simple bâche, le berger et la bergère mènent alors pendant quatre mois une existence rude et exigeante qui fascine les citadins croisés en chemin.
Quotidiennes, tissées de rencontres surprenantes ou émouvantes, les pérégrinations de Pascal et Carole deviennent pourtant chaque année plus malaisées! Dans une nature qui se réduit comme peau de chagrin, il devient bien difficile de trouver l’herbe nécessaire, les quartiers résidentiels et les zones industrielles envahissant toujours plus leur «territoire»…
Présenté à Berlin en ouverture de la prestigieuse section Panorama, primé et sélectionné dans de nombreux festivals, le premier long-métrage de Manuel von Sturler est en toute simplicité l’un des plus beaux documentaires suisses de l’année, qu’on se le dise!
Vincent Adatte
Amour
Après «Le Ruban blanc», le cinéaste autrichien Michael Haneke a remporté à Cannes une seconde Palme d’or avec «Amour», un nouveau chef-d’œuvre qui emporte le spectateur à des sommets d’émotions ambivalentes.
Georges et Anne (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva) forment un couple aimant qui vit un bonheur très autarcique. Las, Anne est victime d’un accident vasculaire cérébral qui la laisse diminuée, mais encore pleinement consciente. Par amour, Georges accepte de lui promettre de lui éviter l’hôpital et ainsi de s’occuper d’elle jusqu’à la dernière extrémité, ignorant l’épreuve que cette promesse lui prépare.
Multipliant les AVC, Anne s’éteint petit à petit, mais Georges tient bon, écartant toutes les personnes à la sollicitude et aux conseils envahissants, à commencer par sa fille Eva (Isabelle Huppert)… Avec l’intégrité qui le caractérise, le réalisateur montre de la façon la plus concrète, à la fois tendre et terrifiante, cette ultime lutte à corps à corps.
Adeline Stern
Dans la maison
A la rentrée scolaire, Germain (Fabrice Luchini), professeur de français dans un lycée ordinaire, se désespère de la médiocrité de sa classe. Avec une ironie massacrante, il lit à sa femme galeriste (Kristin Scott Thomas) les rédactions de ses élèves censés «raconter leur week-end».
Germain tombe alors sur la copie de Claude Garcia (Ernst Umhauer) qui décrit sa journée passée chez son meilleur ami en des termes troublants, presque méprisants, concluant son écrit par un «à suivre» qui excite la curiosité de son lecteur… Croyant déceler chez le jeune homme un don, il l’encourage à écrire la suite! Dans ce dessein, Claude va dès lors s’incruster «dans la maison» de son camarade…
S’insinue peu à peu une relation particulière entre le maître et l’élève, frappée au sceau de la manipulation et de l’ambiguïté, qui tient littéralement en haleine le spectateur. Un thriller trompeur, à la fois drôle et dérangeant, qui voit Ozon obtenir l’une de ses meilleures notes!
Vincent Adatte
Ted
Enfant solitaire, élevé au début des années 80 dans la banlieue de Boston, John Bennett reçoit pour Noël un ours en peluche, qu’il prénomme Ted. La nuit venue, il supplie le Ciel de doter son nounours de la parole, histoire d’avoir enfin un ami. Le lendemain, le gamin émerveillé constate que son vœu s’est réalisé.
Ce phénomène attire un temps l’attention des médias, avant que son doudou prodige ne retombe dans l’oubli. Après ce prologue, le spectateur retrouve John (Mark Wahlberg) à l’approche de ses quarante ans. Ce dernier est toujours fidèle à Ted, contraignant sa petite amie Lori (Mila Kunis) à un ménage à trois un brin crispant.
Dorénavant, le teddy-bear pète, baise et jure à plaisir. Employé sans ambition d’une agence de location de voitures, John passe la majeure partie de ses loisirs en sa compagnie immature, à fumer des joints et à mater des séries idiotes à la télévision. Excédée, la pauvre Lori finit par exiger qu’il choisisse entre elle et sa peluche «adulescente»…
Vincent Adatte
Clochette et le secret des fées (3D)
Amoureuse de Peter Pan dans le merveilleux roman homonyme de James Barrie, la Fée Clochette a été remise au goût du jour par les Studios Walt Disney qui lui ont déjà consacré en 2007 et 2010 deux dessins animés de long-métrages, gommant pour les plus jeunes spectateurs quelques aspérités de son caractère bien trempé.
Dans ce troisième épisode, notre menue protagoniste évolue dans le Monde de l’été, œuvrant avec ses camarades à l’épanouissement d’une nature parée des plus belles couleurs. Leurs «sœurs de l’hiver» font de même, mais avec une tout autre palette, dans un environnement bleu glacé.
Las, les unes et les autres n’ont pas le droit de se voir, les instances supérieures jugeant la différence de climat trop dangereuse pour leur petite santé, Refusant ce diktat, Clochette décide de franchir la frontière entre les deux mondes… Ainsi commence une aventure regorgeant de péripéties féeriques qui raviront les plus petits.
Adeline Stern
Vous n’avez encore rien vu
Nonagénaire plus créatif que jamais, Alain Resnais propose pour son dix-huitième long-métrage un jeu de rôles fascinant. «Vous n’avez encore rien vu» raconte l’ultime pirouette d’un célèbre dramaturge qui vient de trépasser. Par-delà la mort, l’homme de théâtre a en effet invité tous les interprètes qui ont joué au cours de leur carrière sa pièce intitulée «Eurydice».
Réunis dans un étrange château, les Pierre Arditi, Sabine Azéma, Lambert Wilson, Anne Consigny et autre Mathieu Amalric sont accueillis par un exécuteur testamentaire qui leur dévoile leur mission: ils devront porter un regard critique sur une mise en scène contemporaine de la pièce maîtresse du défunt.
En découvrant cette prestation sur un écran de télévision géant, chacun commence à revivre son rôle, comme happé par le passé. De façon extraordinaire, tous ces grands comédiens se substituent peu à peu aux jeunes acteurs qui prétendent les remplacer… Un nouveau chef-d’œuvre du réalisateur des «Herbes folles»!
Vincent Adatte
Ruby Sparks
Six ans après «Little Miss Sunshine», un road-movie aussi indépendant que désopilant qui remporta un succès planétaire, les cinéastes Jonathan Dayton et Valerie Faris nous proposent ici une comédie romantique tendre et un peu mélancolique.
Dès son premier bouquin, Calvin Weir-Fields (Paul Dano) a connu un succès imprévisible. Aujourd’hui, il peine à produire son second roman, tétanisé par l’enjeu. Sur les conseils de son thérapeute, il se met à écrire sur la fille de ses rêves, à laquelle il donne le prénom de Ruby. Le lendemain matin, voilà que son personnage prend vie dans sa cuisine, absolument conforme à son fantasme littéraire.
Partant, Calvin vit avec Ruby (Zoe Kazan) une relation fusionnelle qu’il étoffe toujours plus au fil des pages qu’il continue d’écrire, jusqu’au jour où sa créature éprouve des désirs d’indépendance. Catastrophé, son démiurge est alors tenté de modifier son comportement, via sa machine à écrire…
Adeline Stern
Une veste Tranquille
Samedi 27 octobre à 18h, le film sera projeté en présence du réalisateur et suivi d’une discussion.
Agé de vingt-six ans, Roman ne parle pas, mais rêve d’«une veste tranquille» qui aiderait à l’apaiser. Souffrant d’autisme, il vit dans un foyer spécialisé du Jura, où il apprend la foresterie avec Xaver, son accompagnateur, qui lui inculque le maniement de la tronçonneuse. Leur relation reste cependant très fragile, entre distance et proximité, marquée par l’éventualité d’un échec.
Un événement tragique mettra fin à leur rapport, laissant Roman face au mystère du deuil et de la compassion… Primé à juste titre dans plusieurs festivals, dont Visions du Réel, ce premier long-métrage documentaire remarquable procède d’une humilité rare, atteignant une ampleur insoupçonnée qui dépasse, et de loin, la simple description d’un cas d’autisme.
Pour entrer quand bien même en communication avec son protagoniste, le cinéaste suisse Ramòn Giger a utilisé un système d’alphabet manuel, qui lui a permis de respecter le vœu de Roman, soit «qu’on le raconte sans préjugé»… Il y a parfaitement réussi!
Vincent Adatte