Laurence Anyways
Après «J’ai tué ma mère» (2009), récit d’un matricide fantasmé, et «Les Amours imaginaires» (2010), romance pop de jeunesse, le cinéaste canadien Xavier Dolan nous livre un nouveau film fleuve débordant d’énergie. Situé dans les années 1990, «Laurence Anyways» constitue une description envoûtante des coups de cœur et de gueule d’un couple aux prénoms androgynes.
Laurence (Melvil Poupaud), jeune professeur de littérature, et Fred (Suzanne Clément), scripte de cinéma, vivent ensemble et se retrouvent bien dans leur ardeur commune à défier les convenances. Le jour de ses trente ans, Laurence annonce soudain à Fred qu’il s’est toujours senti femme et va donc changer de sexe...
Interprétée avec une sincérité extraordinaire par Suzanne Clément (récompensée à juste titre à Cannes), Fred est submergée d’émotions contradictoires, tiraillée entre ce qu’elle ressent pour Laurence et sa métamorphose radicale… Une grande fresque émotionnelle qui a fait sensation à Cannes!
Vincent Adatte
Cherchez Hortense
Ancien critique aux Cahiers du Cinéma, Pascal Bonitzer passe à la réalisation avec «Encore» (1996), puis récidive avec «Rien sur Robert» (1999), ou encore «Petites Coupures» (2003), qui constituent des bonheurs d’écriture, sertis de dialogues finement ciselés.
Trois ans après «Le Grand Alibi», puzzle criminel adapté d’Agatha Christie, le cinéaste a choisi Jean-Pierre Bacri pour une nouvelle comédie aigre-douce… Professeur de philologie et de civilisation chinoise, c’est un intellectuel qui reste avec son épouse par habitude. Un concours de circonstance l’oblige à intervenir en haut lieu pour éviter à une jeune femme (Isabelle Carré) d’être expulsée. Pour arriver à ses fins, il doit en passer par son propre père…
Inspiré de faits-divers aussi scandaleux que récurrents, qui voient des gens bien établis se retrouver privés de droit de séjour après leur divorce, «Cherchez Hortense» voit le grand Bacri jouer à merveille de son air de chien battu et de sa verve comique.
Vincent Adatte
Sâdhu
En 2008, Gaël Métroz connaissait le succès avec «Nomad’s Land» (plus de quarante mille spectateurs en Suisse), documentaire impressionniste où le jeune cinéaste valaisan se lançait avec une candeur magnifique sur les traces de l’écrivain voyageur Nicolas Bouvier.
Après avoir signé pour la Télévision suisse romande, l’impressionnant «Kalash, les derniers infidèles du Pakistan» (2010), il est reparti en Inde et au Népal à la rencontre de l’un de ces sâdhus qui le fascinent depuis longtemps. Fidèle à sa démarche de cinéaste pratiquant l’immersion solitaire, Métroz s’attache aux pas de Suraj Baba, un «saint homme» né dans une famille bourgeoise de Darjeeling, qui a tout quitté pour vivre son idéal d’ascète.
Après avoir vécu seul pendant huit longues années dans une grotte perdue à 3200 mètres d’altitude, le sage a décidé d’accomplir le grand pèlerinage de la Kumbha Mela qui voit tous les douze ans des sâdhus rallier par milliers le bord du Gange…
Adeline Stern
Hope Springs
Mariés et fidèles depuis trente ans, Kay (Meryl Streep) et Arnold (Tommy Lee Jones) mènent une vie conjugale des plus ternes, percluse de routine. Mais Kay ne veut pas rendre les armes. Bien décidée à redonner un nouveau souffle à leur mariage déclinant, elle convainc son mari, pourtant très sceptique, de se lancer dans une thérapie de couple.
Pendant toute une semaine, mari et femme vont consulter ensemble dans le Maine le docteur Feld (Steve Carell), un psychothérapeute très versé dans les problèmes d’union gravement menacé d’usure. Très vite, le spécialiste en vient à la question du sexe, essentielle dans ce genre de situation.
Le nouveau film du réalisateur du «Diable s’habille en Prada» est une comédie romantique flirtant subtilement avec la psychologie, portée par un trio d’acteurs sublimes, au sommet de leur art… A découvrir sans modération et à tout âge car cette «leçon» combien jouissive peut en effet toujours servir!
Adeline Stern
A Royal Affair
En 1766, la jolie princesse anglaise Caroline Mathilde (Alicia Vikander), tout juste âgée de quinze ans, débarque au Danemark pour faire la connaissance de son époux, le jeune roi Christian VII (Mikkel Boe Folsgaard primé à Berlin). Atteint d’une légère démence, le souverain accorde plus d’attention à son chien qu’à sa promise…
Alors qu’elle se fait confisquer illico presto les livres inspirés des Lumières qu’elle transportait inconsidérément dans ses bagages, la reine fraîchement émoulue découvre, ravie, que le médecin (Mads Mikkelsen) chargé de juguler la folie de son mari n’est pas insensible aux idées de Rousseau et Voltaire… et à son charme!
Devenu son amant, le praticien souffle alors à Caroline Mathilde quelques idées progressistes qui ne vont pas plaire à la cour et au clergé… Somptueux film à costumes au rythme haletant, «A Royal Affair» aborde avec une rare intelligence la problématique du changement politique.
Vincent Adatte
Ernest et Célestine
La petite souris Célestine n’a pas du tout envie de devenir dentiste comme le voudraient ses parents. Elle se réfugie alors chez un ours un peu pataud, clown et musicien. Entre ces deux solitaires naît une grande amitié qui dérange et fait jaser. Hé oui, normalement, les ours n’ont pas à fréquenter les souris…
Adapté d’un grand classique de la littérature enfantine par le romancier Daniel Pennac, «Ernest et Célestine» transpose sur le grand écran l’univers poétique à nul autre pareil de la dessinatrice Gabrielle Vincent. Pour la critique, qui l’a applaudi à tout rompre sur la Croisette, il s’agit sans conteste de l’un des plus beaux dessins animés de l’année, sinon le plus beau!
Réalisé par le jeune Benjamin Renner, un néophyte surdoué, très bien entouré des expérimentés Vincent Patar et Stéphane Aubier («Panique au village»), ce chef-d’œuvre d’une délicatesse rare constitue vraiment le film de fête rêvé, à partager précieusement en famille!
Adeline Stern
Lawless
Après avoir réalisé plusieurs films dont, en 2005, «The Proposition», un western d’une âpreté impressionnante, situé dans l’«outback» australien, le réalisateur John Hillcoat a confirmé tout son talent avec «La route» («The Road») adapté du roman apocalyptique de Cormac McCarthy.
Tiré d’un scénario du compositeur interprète Nick Cave, qui avait déjà cosigné celui de «The Proposition», son sixième long-métrage nous plonge au cœur de l’Amérique des années trente, à l’époque très mouvementée de la prohibition…
Bootleggers (contrebandiers) légendaires en activité en Virginie, les trois frères Bondurant ont des démêlés avec des canailles de la ville qui viennent leur disputer leur territoire. Corrompue jusqu’à l’os, la police laisse bien évidemment faire… Servi par une distribution étincelante (Tom Hardy, Shia LeBeouf, Jessica Chastain, Guy Pearce), un film de gangsters dur au mal, à avaler cul sec comme la mixture des bouilleurs de crus de l’époque!
Vincent Adatte
Like Someone In Love
Pendant longtemps, l’œuvre, immense, du réalisateur téhéranais Abbas Kiarostami a été profondément ancrée dans la réalité iranienne, une œuvre dont Martin Scorsese a dit qu’«elle représente le niveau le plus élevé de l’art dans le cinéma».
Quasiment lapidé par la foule à son retour du Festival de Cannes, où il a remporté la Palme d’or avec «Le Goût de la cerise» (1996), le réalisateur de l’éblouissant «Ten» (2002) s’est un jour lassé de ruser avec la censure des mollahs qui a interdit la sortie de presque tous ses films en Iran. Depuis lors, Kiarostami préfère tourner loin de son pays natal, choisissant l’exil artistique.
Financé par la France, le cinéaste est ainsi allé réaliser au Japon le magnifique «Like Someone In Love» sur les tribulations d’une jeune étudiante en sociologie qui arrondit ses fins de mois en se prostituant. Son prochain client, un vieil homme, brûle poliment qu’elle fasse semblant de l’aimer… «Renoncer à tout savoir de ses personnages, c’est accepter qu’ils soient vivants!»
Vincent Adatte
Atmen
Premier long-métrage d’un comédien autrichien passé à la réalisation, «Atmen» (sorti en France sous le juste titre de «Nouveau souffle») raconte avec une sensibilité particulièrement remarquable la difficile renaissance d’un jeune homme de dix-huit ans.
Reconnu coupable d’un crime accidentel commis il y a quelques années, Roman Kogler (Thomas Schubert) a déjà purgé la moitié de sa peine dans un centre de détention pour mineurs. Bénéficiant d’un régime de semi-liberté, il réussit à trouver un travail à la morgue de Vienne. Loin de le déprimer, ce compagnonnage quotidien avec la mort lui donne paradoxalement la force de se réconcilier avec lui-même, au point d’essayer de retrouver sa mère qui l’a abandonné dans sa plus tendre enfance…
Dans une société autrichienne, qui peine cruellement à redonner un espoir à ceux et celles qui ont fauté, Roman va tenter de retrouver sa part d’humanité, malgré les épreuves… De l’avis de la programmation du Royal, ce film, est sans nul doute l’un des plus émouvant et puissant de l’année.
Adeline Stern
Sammy 2 (3D)
Apparue en 2010, dans un long-métrage d’animation franco-belge prônant en 3D les vertus de l’écologie, la tortue de mer Sammy avait ravi les plus jeunes par son abnégation, n’hésitant pas à entamer un tour du monde en cinquante ans pour retrouver sa belle…
Toujours réalisé par le Flamand Ben Stassen, en collaboration de son compatriote Vincent Kesteloot, ce nouveau chapitre des aventures du petit reptile ectotherme a su garder ce même ton charmant mais nullement bêtifiant qui le fera apprécier par toute la famille…
Non loin de la barrière de corail, Sammy et son ami Ray veillent sur des bébés tortues qui font leurs premiers pas en direction de l’Océan. Las, des braconniers sans scrupule capturent notre héros qui est envoyé sans ménagement à Dubaï pour compléter la faune d’un aquarium géant. Loin de perdre courage, notre héros à écailles va concocter un grand plan d’évasion avec ses nouveaux compagnons d’infortune…
Vincent Adatte