Inch’Allah
Dans un camp de réfugiés palestiniens situé en Cisjordanie, une sage-femme québécoise œuvre au sein d’une clinique construite au pied du sinistre mur de séparation érigé dès 2002 par les Israéliens pour «empêcher les attaques terroristes». Tous les jours, elle doit quitter Tel-Aviv où elle réside, et passer le check-point obligatoire pour rejoindre ses patientes.
Nouant des amitiés des deux côtés du «mur», Chloé vit de plus en plus mal ce climat de guerre larvée, où l’oppression le dispute à la misère. Le plus souvent impuissante, commise à une stricte neutralité, la jeune femme vit ce quotidien terrifiant comme un étau, perdant peu à peu toutes ses certitudes.
Deuxième long-métrage de fiction de la cinéaste canadienne Anaïs Barbeau-Lavalette, «Inch’ Allah» nous contraint à ouvrir les yeux, à nous confronter à l’inacceptable, à l’instar de cette scène, terrible, où un jeune soldat refuse l’accès à l’hôpital à une femme sur le point d’accoucher…
Adeline Stern
L’Ecume des jours
Jeune homme idéaliste, Colin (Romain Duris) rencontre l’amour grâce à Chloé (Audrey Tautou). Las, après un mariage de rêve, la jeune femme tombe malade, par la faute d’un nénuphar qui pousse dans son poumon.
Pour payer un traitement très singulier, Colin est alors contraint de travailler, exerçant des fonctions toujours plus absurdes. Malgré l’aide de Nicolas (Omar Sy), son cuisinier chauffeur, et son ami Chick (Gad Elmaleh), zélateur du philosophe Jean-Sol Partre, il va perdre pied… L’artisanat stupéfiant du réalisateur de «La Science des rêves» sied parfaitement à cette adaptation du roman culte de Boris Vian.
Au rythme du swing revisité de Duke Ellington, le spectateur fait son miel de la matérialisation d’un théâtre d’objets foldingue, dont le fameux «pianocktail», la soucoupe nuage ou la sonnette ambulante. Loin du lissage numérique qui prévaut désormais à nos rêves de cinéma, Gondry renoue brillamment avec la geste naïve combien poétique d’un Georges Méliès.
Vincent Adatte
Iron Man 3 (3D)
Super héros dont le caractère narcissique tranche sur les vertus de ses prédécesseurs, Iron Man alias Tony Stark (Robert Downey Jr) est de retour. Artisan tape à l’œil de la paix universelle, cet être égocentrique et séducteur sauve le monde de façon très bling-bling.
Très loin des crises de puberté affectant son jeune collègue Spider-Man ou des nœuds œdipiens incitant les Batman et autre Superman à mener une double vie frustrante d’humilité, Iron Man assume au grand jour sa condition particulière, en tire matière à une médiatisation qui flatte son orgueil.
Dans ce troisième volet bourré d’action et de dérision, notre chevalier point vraiment très preux occupe ses nuits d’insomnie à concevoir de nouvelles armures invincibles, jusqu’au jour où un soi-disant terroriste chinois commence à semer l’effroi en multipliant les attentats à la bombe. Menacé à son tour, Iron Man met à jour une vaste manipulation qui vise le Président des Etats-Unis en personne!
Vincent Adatte
Tad l’explorateur (3D)
Depuis sa plus tendre enfance, Tad rêve d’être archéologue. Timide ouvrier en bâtiment, il est la risée de ses collègues de travail, car il passe son temps à farfouiller les chantiers en quête d’improbables trésors archéologiques.
Suite à un concours de circonstances, Tad est envoyé au Pérou à la place d’un vieux professeur d’archéologie, à la recherche de la moitié manquante d’une statuette inca au pouvoir mystérieux. A son arrivée, il tait sa véritable identité et se fait passer pour un grand aventurier. Il doit alors faire face à une bande de malfaiteurs cupides prêts à tout pour mettre la main sur un soi-disant eldorado…
Flanqué d’un perroquet muet et d’un guide très bavard, Tad va multiplier gaffes et maladresses… Très plaisant, destinée à toute la famille, ce film d’animation ibère et trépidant a connu en Espagne un immense succès en salles, décrochant trois Goya, équivalents hispaniques des Césars et autres Oscars!
Vincent Adatte
Viramundo
Dimanche 12 mai à 20h30, le film sera suivi d’une discussion avec le réalisateur puis suivi du traditionnel verre de l’amitié.
Dans le bouleversant «Retour à Gorée» (2007), le cinéaste lausannois Pierre-Yves Borgeaud, s’attachait aux pas du chanteur sénégalais Youssou N’Dour à la recherche des racines de la musique née de l’esclavagisme. Aujourd’hui, il nous convie à un nouveau voyage, tout aussi fascinant, avec pour guide le chanteur brésilien Gilberto Gil.
Doué d’un charisme incroyable conjugué à une humilité jamais feinte, l’ex-ministre de la culture du Brésil parcourt trois pays de l’hémisphère sud dont les populations «indigènes» ont eu à souffrir du colonialisme. Avec pour lien la musique, Gil rend ainsi visite aux Aborigènes et aux Africains du Sud, avant de revenir dans son Amazonie natale dévastée…
En résulte un vibrant plaidoyer en faveur de la diversité culturelle que le cinéaste, musicien devenu cinéaste, pare d’images souvent inoubliables, telle cette cérémonie aborigène invoquant l’esprit du crocodile, lequel ne tarde pas à se manifester!
Adeline Stern
The Place Beyond the Pines
En tournée dans l’Etat de New York, Luke (Ryan Gosling), motard cascadeur, va s’attarder plus que de raison dans la petite ville de Schenectady. Après avoir fait son show pétaradant, il y a revu une ex, Romina (Eva Mendes), qui lui annonce tout de go qu’il a un fils.
Après avoir tenté en vain de reconquérir la belle, Luke décide d’assurer l’avenir de son rejeton en perpétrant des hold-up aussi solitaires que spectaculaires au guidon de sa moto, jusqu’à ce qu’Avery (Bradley Cooper), un policier tenace et ambitieux, se mette en travers de sa route!
Dans la deuxième partie du film, le cinéaste s’attache aux pas du flic qui a aussi un enfant et a maille à partir avec la corruption. La troisième partie se déroule quinze ans plus tard. On y retrouve les fils de Luke et d’Avery, devenus adolescents, qui vont peut-être se prêter à une dramatique répétition du même… Avec ses trois récits qui s’emboîtent, cette fable ambitieuse sur l’Amérique profonde a enthousiasmé la critique!
Vincent Adatte
Perfect Mothers
La cinéaste Anne Fontaine retrouve toute sa verve avec «Perfect Mothers», adapté d’une nouvelle de Doris Lessing intitulé «Les Grands-Mères». Son douzième long-métrage ancre son propos troublant sur une côte australienne paradisiaque.
Liées depuis l’enfance, Roz (Robin Wright) et Lil (Naomi Watts) sont voisines. Mère aimante de Ian (Xavier Samuel), Lil a fait le deuil de son mari décédé dans un accident de voiture. Roz laisse partir le sien sans dépit, à Sydney où un poste enviable l’attend, restant avec son fils Tom (James Frecheville). Une nuit, Ian laisse soudain parler son désir et couche avec Roz. Par vengeance, du moins au début, Tom fait alors de même avec Lil.
Les deux mères se jurent mutuellement qu’elles ne céderont plus au désir des deux jeunes gens. Il n’en sera rien… En résulte un conte cruel et subtil qui n’épargne pas ses deux protagonistes quinquagénaires, lesquelles savent pertinemment qu’elles sortiront défaites de ce corps à corps avec leur jeunesse enfuie!
Vincent Adatte
Win Win
L’entreprise est ambitieuse: produire «ici et maintenant» une comédie populaire qui n’a pas honte d’afficher sa fibre régionale! Inspiré de faits authentiques, cette pochade «jurassienne» raconte comment Paul Girard (Jean-Luc Couchard), maire très «people» de Delémont, a réussi la gageure d’organiser la demi-finale de l’élection de «Miss Chine» en Suisse.
Soufflée par son ami Liu, horloger chinois installé dans le Jura, l’idée séduit Girard au point qu’il se lance corps et âme dans ce projet pas si loufoque. Notre édile espère en exploiter les retombées médiatiques pour se faire élire à Berne, ce que son parti lui refuse. De son côté, Liu escompte s’ouvrir les portes du marché très prisé de la montre de luxe en Chine.
Hélas, Suisse Tourisme renâcle à accorder son soutien, idem pour les politiciens qui se rient de Girard. Alors qu’il s’imaginait être accueilli en héros de la patrie, le voilà contraint de proposer à ses élégantes candidates un séjour à raz du terroir…
Adeline Stern
Wadjda
Mercredi 1er mai, le film sera précédé par l’Assemblée générale de l’ « Association des Amis du Royal » et de la « Coopérative Mon Ciné ». Cette séance est offerte au public. Dimanche 5 mai, le film sera suivi d’un magnifique brunch au Café 12 (sur inscriptions).
Premier long-métrage entièrement tourné en Arabie saoudite, qui plus est par une femme, «Wadjda» retrace les tribulations d’une fillette espiègle, rejeton rebelle d’une famille conservatrice aisée.
Baskets aux pieds, fan de rock, elle aperçoit un jour une sublime bicyclette verte qui semble littéralement voler dans les airs. Elle n’a dès lors plus qu’une idée en tête, acquérir ce vélo pour faire la course avec son ami Abdallah. Hélas, en tant que fille, cette pratique lui est interdite, tout comme à sa mère de conduire une voiture.
Obstinée, la petite s’efforce de réunir l’argent nécessaire à cet achat. C’est ainsi qu’elle s’inscrit à un concours de récitation coranique organisé par la directrice de son école et doté d’un prix de mille riyals… Avec une simplicité souveraine, la réalisatrice Haifaa Al-Mansour conduit ce récit initiatique tout de rage rentrée jusqu’à son terme, ce qui n’est pas rien dans un pays qui interdit aux femmes de rire aux éclats!
Adeline Stern
Thorberg
Dimanche 5 mai à 20h30, le film sera suivi d’une discussion avec le cinéaste puis du traditionnel verre de l’amitié.
Pendant trois ans, le cinéaste alémanique Dieter Fahrer s’est immergé dans le quotidien très peu jouasse de l’établissement pénitentiaire de Thorberg où sont enfermés quelque cent-quatre-vingt détenus provenant de quarante pays différents. Il en a même obtenu la clef!
Condamnés à des peines d’emprisonnement parfois très lourdes pour de graves délits (vol à main armés, meurtres prémédités ou non, etc.), ces détenus, en grande majorité «étrangers», sont loin d’être des enfants de chœur.
S’attachant aux pas limités de sept d’entre eux, le réalisateur de «Que sera?» leur a pourtant donné la possibilité de s’exprimer, ce qu’ils font de manière impressionnante, avec une lucidité souvent exemplaire, ranimant le cœur d’une humanité égarée ou par trop enfouie… En résulte un documentaire remarquable de discernement, dépourvu de tout angélisme ou sensationnalisme, et qui n’a donc rien d’une absolution au nom du cinéma!
Vincent Adatte