40 ans : Mode d’emploi
Peter (Paul Rudd) et Debbie (Leslie Mann) vont avoir quarante ans. Sur le plan professionnel, les affaires ne vont pas très fort. Dans un bel élan d’idéalisme, Peter a lancé un label musical indépendant qui crevote, alors que Debbie peine à tirer profit de sa petite boutique de mode, soupçonnant l’une de ses deux employées de se servir dans la caisse.
Parents de deux filles (jouées par celles du cinéaste), dont l’une est en pleine crise d’adolescence, nos deux personnages ont de plus en plus de mal à se supporter. Pour ne rien arranger, Peter entretient en secret son propre père qui vient d’avoir des triplés avec sa nouvelle femme!
Après avoir tenté une piètre escapade pour se refaire une santé amoureuse, Peter et Debbie vont devoir affronter la soirée anniversaire tant redoutée… Considéré à juste titre comme le nouveau génie incorrect de la comédie américaine, Judd Apatow règle leur sort aux futurs quadras. Acide mais si sincère!
Vincent Adatte
Jappeloup
Ecrit par Guillaume Canet, lui-même ancien cavalier, et qui en interprète aussi le rôle principal, le film du cinéaste canadien Christian Duguay nous raconte une histoire presque trop belle pour être vraie… Elle est pourtant rigoureusement authentique!
A ses débuts, personne n’aurait parié un kopeck sur les chances de «Jappeloup», petit cheval rebelle et caractériel, hormis Pierre Durand (G. Canet) qui a abandonné une carrière d’avocat prometteuse pour se vouer au saut d’obstacle, sa passion… Bénéficiant des conseils de son père (Daniel Auteuil), il est persuadé que son protégé peut l’emporter sur tous les autres, en dépit des apparences.
Pendant plusieurs années, le petit cheval déçoit ses attentes. Avec l’aide d’une jeune palefrenière (Lou de Laâge) à l’optimisme incurable et grâce au soutien indéfectible de sa femme (Marina Hands), qui a renoncé pour lui à sa propre carrière hippique, Pierre garde pourtant l’espoir d’en faire un champion…
Adeline Stern
Les Amants passagers
Après l’insuccès du passionnant «La Piel que habito» (2011), Pedro Almodóvar a sans doute ressenti le désir de faire une pause en tournant un film plus léger, histoire aussi de retrouver les faveurs du grand public. Renouant avec la comédie kitsch, il nous embarque dans un avion à destination de Mexico. Las, une avarie le contraint à tourner en rond au dessus de l’Espagne en crise.
A bord, les stewards plongent dans un profond sommeil les passagers de la classe économique en leur faisant absorber moult anxiolytiques, alors qu’ils offrent aux privilégiés d’une classe «business» plutôt clairsemée un cocktail bourrée de mescaline qui aura pour effet de leur faire perdre toute retenue, au point de s’envoyer joyeusement en l’air!
Allègrement, Almodóvar sautille d’un registre à l’autre, de la comédie de mœurs à la farce politique dénonçant la manière dont les autorités espagnoles gèrent le crash social actuel… Avec, en guise de préambule, une chorégraphie «on air» irrésistible!
Vincent Adatte
Oblivion
Réalisateur de «Tron : l’héritage» (2011) et infographe de son premier métier, Joseph Kosinski porte aujourd’hui à l’écran son propre roman graphique… En 2077, il ne reste plus grand-chose de la Terre. Ravagée par une terrifiante force extraterrestre, elle est désormais impropre à la vie et ses derniers habitants ont dû être évacués sous d’autres cieux.
Encadrant les équipes occupées à extraire les ultimes ressources naturelles de notre pauvre planète, Jack Harper (Tom Cruise) veille au bon usage des drones contre un ennemi certes défait, mais encore très menaçant. Or, un jour, Jack voit sa routine bouleversé par le crash d’un vaisseau spatial dont il parvient à sauver l’une des passagères (Olga Kurylenko).
L’apparition de cette mystérieuse inconnue va ébranler toutes ses certitudes quant à la réalité qui l’entoure… Inspiré de «La Jetée» (1962) de Chris Marker et de «L’Armée des douze singes» (1995) de Terry Gilliam, un thriller spatiotemporel très spectaculaire!
Adeline Stern
Héritage
Immense actrice «arabe israélienne», Hiam Abbass a irradié de sa présence à la fois sensuelle et magnétique des films comme «Satin rouge» (2002) de Raja Amari, «La Fiancée syrienne» (2004) et «Les Citronniers» d’Eran Riklis.
Après avoir obtenu une reconnaissance internationale en tournant pour Spielberg, Jarmusch, Chéreau et autre Schnabel, elle passe derrière la caméra pour signer avec «Héritage» un premier long-métrage choral à l’amertume secrètement autobiographique… Au nord d’Israël, dans un village palestinien que survolent des avions qui vont pilonner le Liban voisin, une fratrie se déchire, à l’image d’un peuple profondément divisé, sous le regard impuissant d’un patriarche au cœur fragile.
Partie étudier l’art à Haïfa, la jeune Hajar revient au village à l’occasion du mariage de l’une de ses cousines. Par sa seule présence, elle va mettre le feu aux poudres, révélant les contradictions d’une communauté minée par les interdits et les contraintes héritées de l’Histoire.
Vincent Adatte
No
A trente-six ans, le cinéaste chilien Pablo Larrain achève avec «No» une trilogie fascinante sur la dictature de Pinochet. A la fois galvanisant et dérangeant, cet ultime volet interroge l’idée même de démocratie, à travers le plébiscite organisé en 1988 sous la pression de la communauté internationale, qui permit de renvoyer le général.
Jeune publiciste peu politisé, René Saavedra (Gael García Bernal) est engagé par les anti-Pinochet qui craignent de perdre la bataille des urnes. Après avoir écarté leur clip qui rappelait de façon bouleversante les milliers de morts causés par la dictature, sous le bon prétexte qu’il n’est pas vendeur, René lance une campagne volontairement simpliste, avec la joie comme mot d’ordre et un arc-en-ciel en guise de promesse d’avenir.
Fan de skate-board, ce fils d’exilés coupe ainsi l’herbe sous les pieds des partisans de Pinochet qui, de leur côté, ont repris l’antienne éculée de la peur du communisme. Le peuple suivra… Un grand film politique!
Vincent Adatte
Les Croods (3D)
Au temps d’une drôle de préhistoire, une famille est obligée de quitter sa caverne pour découvrir le monde extérieur, rempli de fleurs, de plantes et d’animaux bizarres… Papa Krug et sa petite tribu vont alors découvrir que la solidarité est le meilleur moyen de survivre dans cette nature pleine de dangers…
Après «Les cinq légendes», les studios Dreamworks livrent un film d’animation d’une facture irréprochable, truffé d’anachronismes drolatiques. Avec sa galerie de personnages touchants de balourdise, la nouvelle contribution des réalisateurs de «Dragons» traite avec délicatesse des thèmes chers aux plus jeunes, tels la confiance en soi et le respect de la différence.
Buté et très peureux, Papa Grugg se charge d’allumer la mèche d’une parodie explosive de clichés liés à la famille traditionnelle qui n’ont rien de préhistoriques… Bref, même si leur pilosité cavernicole laisse à désirer, les Croods s’avèrent très fréquentables!
Vincent Adatte
Les Profs
Tirée d’une série de bandes dessinées signée Pica et Erroc, la nouvelle comédie de l’ex-Robin des Bois, réalisateur de «Essaye-moi» (2006) et «King Guillaume» (2009), s’emploie à trouver des solutions inédites pour résoudre la grave crise que traverse l’Education nationale!
Du point de statistique, le lycée Jules Ferry décroche la palme avec ses misérables douze pour cent de réussite au bac. Après avoir expérimenté toutes les méthodes d’enseignement possibles, l’Inspecteur d’Académie, au bord du suicide, s’en remet à son adjoint (François Morel).
Ce dernier propose alors de soigner le mal par le mal en recrutant une nouvelle équipe d’enseignants selon le principe : aux pires élèves les pires profs… Du plus feignant à la peau de vache absolue, en passant par le moniteur de gym dopé et l’agrégé de philo totalement abscons… Reste à savoir si cette nouvelle approche pédagogique pour le moins révolutionnaire portera ses fruits?
Adeline Stern
Argerich
A trente-quatre ans, Stéphanie Argerich filme sa mère Martha, étoile incontestable du piano «classique». Se démettant de toute piété filiale, elle plonge au cœur d’un roman familial marqué au sceau d’un matriarcat désordonné.
Ce faisant, la jeune réalisatrice réussit à exprimer toute l’ambivalence du point de vue de la «fille de», partagée entre l’admiration sincère et une douleur sourde qui pointe surtout dans les silences. Elle y parvient en faisant à la première personne le récit très nuancé de cette relation complexe, un récit fascinant dont on pressent qu’il procède secrètement de l’exorcisme.
Tour à tour aimante, étouffante, maternelle, enfantine ou indifférente (au point d’avoir abandonné sa première fille), Martha Argerich a entraîné et égaré trois hommes dans un chaos existentiel qui a sans nul doute partie liée avec l’expression impérieuse de son génie pianistique. En résulte un documentaire intime rarement vu au cinéma, très loin de l’hagiographie bêtement admirative.
Vincent Adatte
Vibrato
Dimanche 14 avril à 11h, le film sera suivi d’une discussion avec Mélanie Pitteloud, proche collaboratrice de Jacqueline Veuve.
Depuis son premier court-métrage, «Le Panier à viande» (1966), coréalisé avec Yves Yersin, Jacqueline Veuve a su créer au fil des années une œuvre dense et protéiforme, qui porte un regard à la fois ethnographique et affectueux sur notre réalité.
Auteur d’une soixantaine de films, dont la plupart sont des documentaires, la cinéaste vaudoise a contribué à la reconnaissance du genre en Suisse et ailleurs… «Vibrato», son dernier long-métrage en date, nous fait entrer de plain-pied dans l’alchimie mystérieuse qui préside au chœur du collège Saint-Michel à Fribourg.
Avec son acuité coutumière, la réalisatrice de «La Mort du Grand-père» a choisi de se focaliser sur cinq de ses membres, des jeunes gens engagés corps et âme dans une activité exigeante que d’aucuns jugeront peut-être anachronique, quoique le rappeur Stress figure à leur répertoire, côtoyant l’Abbé Bovet et Rachmaninoff! Dès les premières séquences, Veuve parvient à capter l’inexprimable du chant, cet «instrument de l’être»…
Vincent Adatte