Itsatxi, le dernier adieu
Itsatxi, la cérémonie la plus importante des Indiens du Haut Xingu, célèbre le départ définitif des âmes des morts vers le ciel où elles vont rejoindre Kuamuty le créateur. C’est l’occasion de pleurer une dernière fois les défunts de l’année précédente, de défier les groupes ethniques voisins lors d’un tournoi de luttes huca huca et de libérer les adolescents d’une longue période de réclusion. Le film est une chronique de l’année de deuil que doivent respecter la famille du défunt et les membres de la communauté des Yawalapiti. Il décrit les différents cycles cérémoniels ainsi que la vie quotidienne de cette ethnie dont l’effectif est à peine supérieur à 200 personnes.
Les commentaires dits par les Amérindiens dans la langue maternelle fournissent les informations nécessaires pour comprendre la complexité du rituel. De longues séquences sont abandonnées à l’image, ce qui a pour avantage de procurer aux spectateurs une sensation de proximité. C’est la première fois que ce rituel est filmé dans sa totalité. Un document rare dont la beauté des images offre un magnifique voyage dans l’intimité d’une tribu d’Amazonie de Pirakuma.
Des Indiens comme nous
Un groupe de Picards, passionnés par les Indiens au point d’adopter leur mode de vie, confronte, dans le Middle West, la réalité à ses fantasmes.
Depuis leur enfance, les Indiens d’Amérique fascinent un groupe de Français de Picardie. Chaque week-end, ils revêtent leur costume, dansent et chantent comme des Indiens pour animer des fêtes de village. Cependant, leur grand rêve a toujours été de voyager aux Etats-Unis, pour rencontrer de vrais Indiens. Quand finalement ils partent pendant quinze jours sillonner le Middle West, ils découvrent que la réalité des Amérindiens est fort différente de leur vision idéalisée : pauvreté, dépossession continue de leurs terres, sans oublier une discrimination omniprésente de la part des descendants des colons blancs.
Même la pluie
Sebastian, jeune réalisateur passionné et son producteur arrivent dans le décor somptueux des montagnes boliviennes pour entamer le tournage d’un film. Les budgets de production sont serrés et Costa, le producteur, se félicite de pouvoir employer des comédiens et des figurants locaux à moindre coût. Mais bientôt le tournage est interrompu par la révolte menée par l’un des principaux figurants contre le pouvoir en place qui souhaite privatiser l’accès à l’eau courante. Costa et Sebastian se trouvent malgré eux emportés dans cette lutte pour la survie d’un peuple démuni. Ils devront choisir entre soutenir la cause de la population et la poursuite de leur propre entreprise sur laquelle ils ont tout misé. Ce combat pour la justice va bouleverser leur existence.
Il était une fois en Anatolie
Intransigeant, radical, se réclamant de Tarkovski et d’Antonioni, le Turc Nuri Bilge Ceylan persiste à produire lui-même ses films. Cette indépendance est tout bénéfice pour le cinéphile qui tombe à chaque fois en pamoison!
Lauréat incontestable du Grand Prix du dernier festival de Cannes (ex-aequo avec «Le Gamin au vélo» des frères Dardenne), le sixième long-métrage du cinéaste stambouliote constitue un nouveau chef-d’œuvre du film noir, qui sonde les faiblesses et les désirs des hommes.
Ici, le plus dostoïevskien de nos cinéastes arpente pendant toute une nuit la campagne anatolienne à la recherche d’une scène de crime. Un commissaire, un procureur et un médecin, flanqués de quelques flics, supplient deux suspects menottés de retrouver l’endroit où ils auraient enterré leur victime… Avec ce sens de l’image qui le caractérise, le réalisateur des «Trois singes» et de «Uzak» restitue notre pauvre condition humaine, en faisant preuve d’une densité stupéfiante!
Vincent Adatte
Et maintenant on va où ?
Découvert au cinéma Royal en 2007, le merveilleux «Caramel» racontait le Liban à travers le prisme d’un salon de beauté beyrouthin. Quatre ans plus tard, la jeune cinéaste libanaise Nadine Labaki nous revient avec un second long-métrage, encore plus réussi, mixant comédie musicale, comédie tout court, drame et mélodrame.
«Et maintenant, on va où?» commence par une séquence emblématique qui montre des veuves et des orphelines vêtues de noir, cheminant en dansant vers le cimetière. Une fois arrivé, le groupe se scinde en deux, selon que les femmes soient musulmanes ou chrétiennes…
Ce cimetière divisé est celui d’un petit village isolé, situé au cœur d’un pays désertique non précisé, mais en proie à un conflit qui déjà causé son lot de victimes. Solidaire, la communauté féminine, religions confondues, s’ingénie à trouver des stratagèmes pour empêcher les hommes de reprendre les armes… Un film généreux, faiseur de printemps arabe!
Adeline Stern
L’Apollonide - Souvenirs de la maison close
Tourné en numérique, «L’Apollonide, souvenirs de la maison close» a constitué à Canne où il était présenté en compétition un véritable choc esthétique! Mais c’est seulement le second film de Bertrand Bonello à avoir l’heur d’être distribué en Suisse.
Musicien de formation, Bonello est pourtant l’un des cinéastes français les plus passionnants du moment avec des films majeurs comme «Le pornographe» (2001) «Tiresias» (2003) ou «De la guerre» (2008), description glaciale d’une secte hédoniste.
Son cinquième long-métrage fait le portrait en coupe d’un bordel parisien entre 1899 et 1900, rendu mythique par la présence d’une prostituée marquée par une cicatrice lui conférant un sourire tragique. Evitant aussi bien la caricature que l’idéalisme, il réussit à montrer derrière les chairs «voluptueuses» des âmes hantées par un espoir d’émancipation inconsidéré, dont seuls les esclaves peuvent se bercer… Tout à la fois déconcertant et subjuguant, comme tous les films de Bonello!
Vincent Adatte
La guerre est déclarée
Juliette (Valérie Donzelli) et Roméo (Jérémie Elkaïm) forment ce que l’on appelle «un beau couple», jusqu’au jour où ils apprennent que leur petit garçon de dix-huit mois, prénommé Adam, est atteint d’un cancer sans doute, irrémédiable. Du jour au lendemain, leur vie tranquille tourne au cauchemar, avant qu’ils ne se ressaisissent en «déclarant la guerre» à la mort qui guette…
Cette histoire est vraiment arrivée à la réalisatrice qui a demandé à son ex-conjoint de la rejouer avec elle, pour transformer leur drame intime en une célébration inouïe et universelle du désir de vivre.
Avec une honnêteté à toute épreuve et une audace formidable, elle en a fait un film à nul autre pareil, qui s’avance sur le fil du rasoir, au-dessus de l’abîme, entre rires et larmes, tel un hymne à la joie que l’on fredonnerait la gorge serrée… A voir absolument!
Adeline Stern
Chico & Rita
Réalisé par le cinéaste Fernando Trueba et le graphiste Javier Mariscal, «Chico & Rita» est un dessin animé certes destiné aux grandes personnes, mais qui a le don rare d’engendrer chez le spectateur un émerveillement proche de l’enfance.
De nos jours à La Havane, Chico, un vieil homme désillusionné, entend à la radio un air d’autrefois. Cette chanson réveille ses souvenirs. Des décennies auparavant, elle lui a permis de gagner un concours, alors qu’il était un jeune pianiste prometteur, jouant en duo avec Rita, une chanteuse et danseuse douée d’un beau tempérament…
Déjà auteur d’un documentaire passionnant sur le «latin jazz» («Calle 54»), Trueba a supervisé l’animation des dessins gorgés de sensualité de Mariscal. En résulte une pure merveille cinématographique, à la fois languide et enfiévrée, comme la musique de Bebo Valdes, qui rythme cette histoire d’amour aux courbes sinueuses. Laissez-vous entraîner, vous le ne regretterez pas!
Adeline Stern
All That Remains
Par la magie du montage, le premier long-métrage des réalisateurs suisses Pierre-Adrian Irlé et Valentin Rotelli fait entrer en résonance subtile deux «histoires» se déroulant à des milliers de kilomètres l’une de l’autre.
Après avoir passé sa vie au bureau, Nakata part à la recherche des légendaires rochers d’Umikongo. Quittant Tokyo, il croise en chemin Ellen, une jeune étrangère mystérieuse… Au même moment, de l’autre côté de l’océan, Ben, le frère d’Ellen, embarque une autostoppeuse qui veut refaire sa vie après un mariage raté. Ensemble, ils font route vers les falaises mythiques de Big Sur…
Produit avec peu de moyens, «All That Remains» («Tout ce qui reste») pallie sa «pauvreté» pécuniaire par une science très sûre des émotions, recomposant un paysage mental qui ne laisse pas de fasciner! Pour son interprétation du rôle d’Ellen, Isabelle Caillat a remporté le Quartz 2011 de la meilleure interprétation féminine.
Vincent Adatte
Beur sur la ville
La nouvelle comédie de Djamel Bensalah, réalisateur effronté du «Ciel, les oiseaux et... ta mère!» (1999), «Il était une fois dans l’oued» (2005) et «Neuilly sa mère!» (2009), s’annonce à nouveau comme très politiquement incorrecte!
Jeune homme d’origine algérienne, Khalid Belkacem (Booder) a parfaitement raté tous ses examens (qu’ils soient scolaires, médicaux ou de conscience). Magnanime, la société lui donne une dernière chance, en lui proposant de devenir policier, histoire de répondre aux exigences de la nouvelle politique de discrimination positive imposée par l’Etat.
Avec ses compères Tong (Steve Tran) et Koulibali (Issa Doumbia), Khalid forme dès lors une patrouille d’un (mauvais) genre inédit. Les habitants des quartiers défavorisés de Villeneuve-sous-bois n’ont qu’à bien se tenir, d’autant que Josiane Balasko, Gérard Jugnot, Sandrine Kiberlain, Roland Giraud et même Jean-Claude Van Damme vont prêter main-forte à la maréchaussée!
Vincent Adatte