Happy New Year
Revenu de Chine où il a tourné un documentaire sur les travaux asiatiques des architectes Herzog et De Meuron, le cinéaste zurichois Christoph Schaub renoue avec la fiction grâce à un projet ambitieux porté par Marcel Hoehn, producteur avisé auquel il est fidèle depuis de nombreuses années.
Délaissée, une quinquagénaire s’épanche dans un taxi dont le jeune chauffeur collectionne les déboires amoureux. Fan de modèles réduits, un vieux garçon doit veiller sur l’enfant de sa voisine, une petite fille curieuse de tout. Effrayé par les pétards du Nouvel An, un chien fugueur met à l’épreuve un vieux couple miné par les habitudes. Deux policiers en ronde de nuit remettent en question leur vocation. Honteuse de sa mère alcoolique, une adolescente ment pour séduire un fils de bonne famille…
Pendant quelques heures, au cœur de la nuit parfois si pesante de la Saint Sylvestre, tous ces personnages cabossés par la vie essayent de reprendre en main leur destin. Imbriqués les unes dans les autres, leurs histoires simples forment peu à peu un puzzle existentiel tragicomique, qui a pour pièce maîtresse la ville de Zurich. Peu de cinéastes suisses se sont frotté au film à épisodes, genre risqué et exigeant sur le plan du montage, le réalisateur de Jeune homme (2006) a su relever le défi. Un film à ne pas rater à la veille du nouvel an, histoire de se préparer à passer une bonne soirée!
Vincent Adatte
Madagascar 2
A bord d’un aéroplane de fortune bricolé par des pingouins très peu fiables, Alex le lion, Gloria l’hippopotame, Melman la girafe et Marty le zèbre tentent de regagner leur zoo de New York tant aimé. Après un atterrissage d’urgence, nos héros se retrouvent en Afrique, égarés sur la terre de leurs sauvages ancêtres. Ce retour aux sources impromptu ne sera pas sans difficulté… Mouvementée et pétrie d’humour au second degré destiné aux parents qui auraient accompagné leurs rejetons, enfin une suite qui ne déçoit pas !
Vincent Adatte
The Duchess
Formé à l’école documentaire, le réalisateur anglais Saul Dibb a tourné son premier long-métrage de fiction avec une arrière-pensée «actuelle» qui rend son projet passionnant. Avec malice, mais sans jamais forcer la vérité historique, il induit un parallélisme entre deux destins «royaux» malheureux dont le lien de famille, même lointain, est pour le moins troublant.
Georgiana Spencer (1757-1806) est mariée à l’âge de dix-sept ans au Duc de Devonshire, richissime pair du royaume. Hélas la pauvre petite voit très vite ses rêves de jeune fille amoureuse s’évanouir, la faute à un mari peu délicat qui la trompe ouvertement, lui proposant même un ménage à trois. A l’instar de Marie-Antoinette, sa très chère amie, Georgiana tente d’oublier ces affronts répétés en menant une vie publique trépidante qui en fait l’une des personnalités les plus «people» de l’époque. Elle finira par prendre un amant…
Or, à en croire l’arbre généalogique des Spencer, cette victime des convenances n’est autre que l’arrière-arrière-arrière grand-tante d’une certaine Lady Diana qui, beaucoup plus tard, connaîtra le même genre d’avanies conjugales, répondant à l’humiliation de façon assez similaire… Dans le rôle-titre, Keira Knightley joue parfaitement de cette analogie!
Vincent Adatte
Mes stars et moi
A vingt-six ans, la réalisatrice française Laetitia Colombani a attiré l’attention de la critique en réalisant un premier long-métrage qui fait très peur. A la folie, pas du tout (2002) racontait la dérive obsessionnelle d’une étudiante tombée amoureuse d’un jeune médecin mais souffrant en fait d’érotomanie. Six ans plus tard, elle nous revient avec Mes stars et moi qui traite d’un genre de fixation un brin moins dramatique.
Fasciné par les actrices, Robert (Kad Merad) est prêt à tout pour les approcher. La nuit, il nettoie les locaux d’une agence artistique qui gère les carrières de ses stars préférées. En furetant dans les bureaux, il met la main sur de précieuses infos qui lui permettent de s’immiscer dans leur vie privée. Réunies sur le même tournage et horripilées par cette attitude intrusive, les trois idoles décident de s’unir pour lui régler son compte… Sans savoir qu’il est le véritable auteur de ce casting de choc.
Joliment acerbe, Mes stars et moi décrit l’aliénation engendrée par la société du spectacle qui est aujourd’hui la nôtre. Servie par une distribution de rêve, la cinéaste atomise sans état d’âme un milieu où personne ne fait de cadeau, à l’image des saillies très acides lancées à la trop belle Emmanuelle Béart par une Catherine Deneuve boulimique!
Adeline Stern
Entre les murs
Des épaules solides
Home
PREMIERES NEIGES
Primé à Cannes, le premier long-métrage de la jeune réalisatrice bosniaque Aida Begic est un portrait de groupe d’une profonde humanité… Au village de Slavno, situé dans l’est de la Bosnie, tous les hommes ont été emmenés et tués par les forces serbes. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés. Seul le vieil imam et un petit garçon ont échappé à la tragédie.
Après la guerre, les femmes sont restées dans leurs maisons dont les toits éventrés sont recouverts de bâches de fortune. Parmi elles, seule Alma, une veuve de trente ans, s’efforce de croire que la vie est encore possible au village. Les autres restent passives, rêvent de partir ou, selon leur âge, attendent la mort. Avec une obstination absurde, Alma s’échine à faire des confitures, des conserves, dans l’espoir très hypothétique de gagner un peu d’argent.
L’irruption de deux affairistes serbes trouble le cours désespérant des choses. Prétendant ne pas avoir combattu, ils proposent aux survivantes de racheter leur village à un prix avantageux pour elles… N’en disons pas plus, sinon que la neige aura le dernier mot de ce beau film au final apaisant, cette neige qui, comme disent les femmes de Slavno, «ne tombe pas pour couvrir la colline, mais pour que chaque animal laisse une trace de son passage».
Vincent Adatte
L'ECHANGE
Grand oublié du palmarès du dernier Festival de Cannes, L’échange décrit de façon magistrale une terrible manipulation. Film noir baigné de compassion, le vingt-huitième long-métrage de Clint Eastwood est aussi l’un de ses plus dénonciateurs… Un véritable appel à la résistance!
En 1928, peu avant la grande dépression, Christine Collins (Angelina Jolie) travaille au standard d’une compagnie téléphonique. Revenant de son travail, cette femme qui élève seul son fils constate sa disparition. Quelques semaines plus tard, la police de Los Angeles lui rend sous le feu des médias un petit garçon qui affirme être son fils. Cédant à la pression, Christine reprend l’enfant avant de se récuser, affirmant à qui veut l’entendre que ce n’est pas le sien. La police fait alors pression sur elle, n’hésitant pas à faire passer la malheureuse pour folle. La machine à broyer étatique est en marche, reste à savoir si une mère esseulée est en mesure de l’enrayer…
Manifestement, le réalisateur de Million Dollar Baby (2004) croit toujours au pouvoir révélateur du cinéma. Confiant en la puissance d’expression du septième art, Eastwood réussit à nous redonner une foi raisonnée en l’image, en sa capacité de susciter la compassion, de plaider les causes désespérées.
Adeline Stern
RUMBA
Experts en rumba, boléro, cha-cha-cha et salsa, un couple d’instituteurs de campagne gagnent haut la main tous les concours de danse latino. Las, après un accident de voiture absurde causé par un piéton suicidaire, la femme se retrouve unijambiste et le mari frappé d’amnésie. Alors que tous les malheurs du monde s’accumulent sur leur passage, Fiona et Dom s’obstinent pourtant à croire à la possibilité du bonheur.
Bien loin de se décourager, ce duo loufoque garde le rythme et le sourire, s’évertuant à transformer leur handicap en tendre preuve d’amour, à l’image de Fiona très heureuse de se faire porter dans les bras de son compagnon… Le moindre obstacle est prétexte à encore plus se rapprocher l’un de l’autre!
Venus de la scène, Fiona Gordon et Dominique Abel forme un couple burlesque et décalé qui privilégie un humour physique, visuel, plus centré sur le langage du corps que sur l’art du dialogue. Dévolu à la mise en scène, Bruno Romy, leur complice depuis bientôt vingt ans, les filme le plus souvent en plan fixe, pour mettre en valeur leurs incroyables prouesses. En résulte une comédie optimiste et souriante dont la verve comique évoque tour à tour Tati, Keaton ou encore le sublime et nonsensique W.C. Fields!
Adeline Stern