Auteur de chefs-d’œuvre comme «En attendant le bonheur» et «Bamako», où il instruit le procès hélas fictif des institutions financières qui ont ruiné l’Afrique moderne, le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako confirme avec «Timbuktu» qu’il reste bien l’un des plus grands poètes de l’écran.

Tourné dans les paysages inspirants du Mali, son cinquième long-métrage est un film de résistance, en prise directe avec l’actualité. Nous sommes en 2012, Tombouctou et ses environs sont tombés entre les mains des milices djihadistes. Advient alors un régime de terreur qui stigmatise la vie et détruit l’art.

Avec les seules armes de son cinéma, Sissako montre comment cette bande de bras cassés inculte tente de prendre en otage une population respectueuse des préceptes d’un Coran ouvert et pacifiste. Malgré les châtiments qui les menacent, hommes et femmes s’efforcent de tourner en dérision des diktats absurdes comme  interdire le football et le chant, même quand celui-ci rend grâce à Allah…

Vincent Adatte

Révélé en 1990 par «La Liberté, c’est le Paradis», description acérée d’une maison de redressement soviétique, Sergeï Bodrov poursuit depuis lors une carrière internationale, tournant aussi bien à Hollywood que dans sa Russie natale.

Se vouant désormais à tourner des films à grand spectacle, ce réalisateur d’origine sibérienne a tiré de la saga «L’Epouvanteur» parue dès 2004 la matière de son neuvième long-métrage… Durant plusieurs siècles, Maître Gregory, un preux chevalier, a réussi à garder en captivité Mère Malkin, une terrifiante sorcière.

Las, la terrible créature parvient à s’échapper et pourrait bien mettre fin à l’humanité en usant de ses pouvoirs. Seul le septième fils d’un septième fils serait en mesure de la contrarier un brin. Or l’apprenti de Maître Gregory semble présenter toutes les qualités généalogiques requises… Malgré une pléthore d’effets spéciaux, Bodrov a su conférer à son «blockbuster» le charme du conte à l’ancienne, ancré dans une nature authentique.

Adeline Stern

Dimanche 11 janvier à 17h, le film sera suivi d’une discussion avec la réalisatrice puis du verre de l’amitié.

Réalisatrice du déjà très réussi «Guru – Bhagwan, His Secretary & His Bodyguard» (2010), la documentariste suisse Sabine Gisiger a choisi de répertorier les ingrédients indispensables au bonheur grâce à la participation de l’éminent psychiatre et écrivain Irvin Yalom.

Docteur en médecine, auteur à succès, professeur à l’Université de Stanford, animateur de thérapies de groupes, ce fils d’un couple de juifs polonais immigrés aux Etats-Unis pose d’emblée la question triviale d’une
vie sans regrets et remplie d’amour.

Par le biais d’interviews, mêlées à des images allégoriques ou des documents d’archives tirés
de l’enfance du psychothérapeute, Sabine Gisiger dessine son parcours existentiel. De cette exploration intime, la cinéaste tire un effet cathartique qui confronte le spectateur à ses propres émotions et pensées conflictuelles. Révélant ainsi les thèses fondamentales du spécialiste sur le bonheur, son film nous incite à nous remettre en question!

Vincent Adatte

Le premier long-métrage de fiction de ce jeune cinéaste islandais très prometteur est centré sur le rapport entre le cheval et l’homme à travers plusieurs histoires qui s’entrecroisent et sont introduites à chaque fois par le plan fascinant de l’œil bleu d’un pur-sang.

Un vieil ivrogne conduit sa monture en pleine mer pour rallier un bateau chargé de vodka. Pour survivre à une tempête de neige, un jeune homme s’abrite dans le ventre même de sa bête. Deux êtres s’étreignent au milieu des champs, tout en faisant attention à ce que leur cheval ne s’échappe pas…

Avec très peu de mots et des images assez inouïes, Benedikt Erlingsson, que l’on a vu acteur chez Lars Von Trier, passe d’un registre cinématographique à l’autre avec la virtuosité qui caractérise les tout grands cinéastes. De l’humour noir, au «survival gore», en passant par un érotisme à cru des plus singuliers, il fait émerger tout un monde où ce sont les amazones qui tiennent les rênes… Une découverte!

Adeline Stern

La 3D et les effets spéciaux  numériques ont le don de ressusciter le péplum de prestige.  A peine avons-nous émergé des grandes eaux du «Noé» de Darren Aronofsky, que nous sommes conviés à revisiter la sublime épopée mosaïque!

Le Britannique Ridley Scott donne en effet une nouvelle ampleur aux «faits» relatés par l’Ancien Testament, presque soixante ans après la superproduction de Cecil B. DeMille où Charlton Heston prêtait ses traits à Moïse, alors que Yul Brinner campait un Ramsès II mémorable.

Tout en sacrifiant au film à grand spectacle, le réalisateur de «Blade Runner» (1982) et «Gladiator» (2000) essaime quelques éléments perturbateurs qui confèrent à son Moïse une dimension troublante, tout en ayant un grand respect pour l’histoire religieuse. Ainsi, la conversion de Moïse s’accomplit suite à une chute où il tombe sur la tête, semant le doute sur son équilibre mental. Plus tard, un témoin le voit parler tout seul, alors que ce dernier pense s’adresser à Dieu…

Vincent Adatte

Avec des réalisateur tels Otar Iosseliani, Sergueï Paradjanov ou Tenguiz Abouladze, le cinéma géorgien a souvent brillé par sa profonde originalité, son humour subversif avoisinant souvent le non-sens et un très vif esprit d’indépendance, un cocktail très peu goûté par Moscou, du temps de l’ère soviétique.

Aujourd’hui, une nouvelle génération de cinéastes est train de reprendre ce flambeau frondeur. Né à Tbilissi en 1973, Levan Koguashvili en est l’un des fers de lance. Son second long-métrage décrit le marasme existentiel de Sandro, un professeur célibataire dans la quarantaine, qui vit encore chez ses parents.

Désireux de lui trouver l’âme sœur, son meilleur ami lui organise des rendez-vous galants, à l’aveugle via Internet. Las, ces rencontres finissent toutes en eau de boudin, jusqu’au jour où il fait la connaissance de Manana, une coiffeuse, dont le mari est en prison… Une comédie «à la géorgienne» à la fois grinçante et mélancolique.

Vincent Adatte

Passionné de jazz, Michel (Christian Clavier) vient de dénicher «Me, myself and I», le premier et rarissime album du fameux Niel Youart, qu’il cherchait depuis si longtemps. Il s’apprête à l’apprécier en solitaire, confortablement installé dans son salon.

Hélas, notre mélomane ne cesse d’être dérangé, par sa femme (Carole Bouquet), dépressive jusqu’au dernier neurone, sa maîtresse qui décide de cracher le morceau, son fils débarquant à l’improviste, sa mère qui n’arrête pas de le harceler sur son portable, sa femme de ménage, un ami pour le moins intempestif…

Pour ne rien arranger, ce jour-là a lieu la Fête des voisins! Colérique, égoïste, misanthrope, Michel va devoir s’employer à fond pour jouir de son heure de tranquillité… Un spectateur averti en vaut deux: adaptée de la pièce à succès de Florian Zeller, la nouvelle comédie du réalisateur des «Bronzés» est du genre vacharde, très vacharde!

Adeline Stern

Après avoir fait bien des misères à Alex le lion et ses amis Marty le zèbre, Gloria le rhinocéros et Melman la girafe, les pingouins tombent le masque. Les quatre frangins palmipèdes sont en fait de redoutables agents secrets qui maîtrisent de façon magistrale l’art du camouflage.

Après avoir écumé la planète toute entière au service du bien, les voilà confrontés à leur plus grand défi, Octavius, un poulpe géant mégalomane qui veut conquérir le monde. Dans leur lutte effrénée contre ce méchant très visqueux, nos alcidés vont devoir faire équipe avec un commando d’élite secret dirigé par un husky peu commode…

«Spin-off» endiablé de la franchise «Madagascar» conçu par les frappés de DreamWorks, ce film d’animation enchaîne une série de séquences burlesques apte à faire fondre la banquise la plus glaciale, dont un braquage d’un distributeur de chips, qui va sans doute rester dans les annales de la 3D animée.

Adeline Stern

A plus de 70 ans, Mike Leigh reste toujours l’un des cinéastes anglais parmi les plus passionnants du moment. Pour son 14e long-métrage, le réalisateur de «Naked» (1993), «Secrets et mensonges» (1996) et  «Another Year» (2010) évoque les vingt-cinq dernières années du peintre William Turner (1775-1851).

Surnommé «le peintre de la lumière», précurseur de l’impressionnisme, Turner a été à la fois un artiste à l’esthétique visionnaire et un homme très vulnérable, excentrique, pétri de conflits. Avec le concours d’un acteur exceptionnel de présence, justement récompensé à Cannes, le cinéaste a réussi à le «dépeindre» dans toute sa complexité.

En toute modestie, Leigh accompagne cet homme plutôt bourru dont la présence très terrienne contraste avec l’immatérialité surnaturelle de ses toiles. Jamais, il n’essaye de restituer un équivalent des flamboyances de sa peinture, se focalisant sur les actes qui ont permis à Turner d’atteindre à un tel déchaînement chromatique. 

Vincent Adatte

A seize ans, Paula s’occupe à la fois de ses études et de la ferme familiale. En plus, elle doit jouer les interprètes en langue des signes pour son frère et ses parents, qui sont tous sourds. Tandis que son père se lance en politique pour s’opposer au dézonage de terrains agricoles, elle s’inscrit au concours de Radio France, poussée par son prof qui ne jure que par Michel Sardou.

A travers le labeur quotidien de cette jeune fille obligée de se démultiplier pour ses proches, alors qu’elle ne songe qu’à quitter le nid familial, le cinéaste français Eric Lartigau décrit l’émancipation d’une adolescente exemplaire, à la maturité très précoce! 

Sans conteste, le réalisateur de «Mais qui a tué Pamela Rose?» a réussi une comédie grinçante, sans jamais tomber dans la caricature ni la surenchère, qui plus est, en faisant la leçon aux politiciens de tout poil, tous ébaubis de découvrir un homme sourd sachant écouter. A bon entendeur!

Vincent Adatte