Bande de filles
Adolescente noire habitant une cité de banlieue parisienne, Marienne (Karidja Touré) vit ses seize ans comme une succession d’interdits: la loi des garçons, l’impasse de l’école, le ghetto du quartier. Tout change le jour où, lors d’une sortie de classe, elle se fait brancher par trois belles blacks de son âge, affranchies de tout, qui lui proposent de partir en virée à Paris.
Marienne leur emboîte le pas, change vite de nom pour devenir Vic (comme «Victory»). L’ado effacée apprend alors à «dégainer la première», à ne pas se laisser marcher dessus, à vanner les mecs qui se prennent pour les gardiens du territoire…
Avec une «énergie de dingue», Céline Sciamma filme cette rébellion comme un «grand huit», libérateur certes, mais sans doute sans lendemain. Pour ce faire, la réalisatrice trentenaire des déjà formidables «Naissance des pieuvres» (2007) et «Tomboy» (2011) s’est appuyée sur de jeunes interprètes dont elle a «casté» la plupart dans la rue.
Vincent Adatte
3 cœurs
Après le très réussi Les Adieux à la Reine (2011) où la jeune lectrice de Marie-Antoinette se retrouvait prise dans les remous de la Révolution française, le réalisateur français Benoît Jacquot renoue avec notre époque pour nous raconter une histoire d’amour aussi surprenante que très contrariée…
Le 21e long-métrage de cet observateur inspiré de nos désordres amoureux commence dans une petite ville de province, tard le soir. Contrôleur fiscal en déplacement professionnel, Marc (Benoît Poelvoorde) rate le dernier train pour Paris. A la recherche d’un hôtel, il croise en chemin Silvie (Charlotte Gainsbourg).
Déambulant jusqu’à l’aube, ils se plaisent sans oser se le dire. A la gare, avant de la quitter, Marc propose à la jeune femme de se revoir quelques jours plus tard, à Paris, au Jardin du Luxembourg. Las, un empêchement lui fait rater le rendez-vous. Il revient alors sur le lieu de leur rencontre, recherche en vain Silvie, mais tombe sur Sophie (Chiara Mastroianni), sans savoir qu’elle est sa sœur…
Vincent Adatte
Tu veux ou tu veux pas
Fille de l’actrice Micheline Presle, Tonie Marshall est l’une des rares femmes à s’être imposée dans le domaine très masculin de la comédie française, en écrivant elle-même ses scénarios. La réalisatrice de Pas très catholique et Vénus Beauté (institut) a tiré le matériau très olé-olé de son nouveau film d’un projet de série télévisée qu’elle n’a pas pu mener à terme, tant mieux pour le cinéma!
«Sex addict» repenti, Lambert (Patrick Bruel) essaye de se racheter une conduite en devenant… conseiller conjugal! Abstinent depuis plusieurs mois, sa situation se complique lorsqu’il recrute une assistante, la trop séduisante Judith (Sophie Marceau), dont la sexualité plutôt débridée va mettre à rude épreuve ses bonnes résolutions…
Mené à un rythme trépidant, ce marivaudage aux accents très contemporains bénéficie d’un casting cinq étoiles, avec notamment une Sylvie Vartan absolument irrésistible dans le rôle de la mère de Patrick Bruel et l’immense André Wilms, parfait en oncle de Sophie Marceau.
Adeline Stern
The Giver
Avec le talent qu’on lui connaît, le réalisateur d’origine australienne Phillip Noyce («Calme blanc», «Le Chemin de la liberté») nous livre un film de science-fiction qui emprunte de façon subtile le mode de la dystopie (contre-utopie).
Adapté du roman de Loïs Lowry paru en 1993, «The Giver» («Le Passeur») se déroule dans un futur lointain et pacifié, dont les individus sont privés de mémoire propre, formatés pour ne plus ressentir d’émotions et se comporter de façon préétablie. Occupant le poste le plus honorifique de la communauté dirigée par la très sage Chef Elder (Meryl Streep), le «Giver» a pour fonction de recevoir et de conserver en lui tous les souvenirs du temps passé, en cas de nécessité…
Le jeune Jonas (Brenton Thwaites) est désigné pour être le prochain passeur. Sous la houlette de celui qu’il doit bientôt remplacer (Jeff Bridges), le garçon commence à «digérer» avec force antidépresseurs une mémoire collective, qui est loin d’être toujours heureuse…
Adeline Stern
Sin City : J’ai tué pour elle (3D)
En 2005, le sulfureux bédéaste américain Frank Miller portait à l’écran sa propre bande dessinée avec la complicité du cinéaste Roberto Rodriguez («Desperado», «Planète Terreur», «Machete»), un fan absolu de son œuvre graphique.
A l’époque, ce film en noir et blanc, parfois d’une grande violence, avait constitué un véritable choc visuel et suscité la polémique. Neuf ans plus tard, le tandem Miller-Rodriguez remet enfin le couvert. En grande partie adaptée du second tome de la saga dessinée par Miller, cette séquelle est centrée sur les protagonistes déjà présents dans le premier «épisode»…
Dans la ville du péché et du crime, Nancy Callahan (Jessica Alba) est dévastée par le chagrin causé par le suicide sacrificiel de John Hartigan (Bruce Willis). Mue par une soif de vengeance inextinguible, elle peut compter pour ce faire sur Marv (Mickey Rourke). De son côté, Dwight McCarthy (Josh Brolin) poursuit toujours de ses assiduités Ava Lord, la femme de ses rêves (et de ses cauchemars)… Attention, les yeux!
Vincent Adatte
Winter Sleep
Le peintre et cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan a reçu la Palme d’or pour «Winter Sleep» («Sommeil d’hiver»), qui nous emmène à la rencontre d’une famille recluse dans les paysages extraordinaires de la Cappadoce, au cœur de l’Anatolie.
Comédien à la retraite, Aydin dirige un hôtel troglodyte avec son épouse et sa sœur. Propriétaire immobilier qui a mis la main sur toute la région, il s’offre une bonne conscience en écrivant dans le journal local. Un jour, alors qu’il roule dans sa jeep avec son homme à tout faire, un gamin lance une pierre contre son pare-brise…
A partir de ce geste, qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques, le réalisateur de «Il était une fois en Anatolie, dévoile par bribes déstabilisantes l’hypocrisie d’une classe supérieure engluée dans ses contradictions, pétrie de mauvaise conscience. Cette mise à nu à la Dostoïevski prend du temps sans qu’on s’en rende compte, 3h16min pour être précis, mais c’est là la durée exacte qu’il faut pour revenir à l’essentiel… Fascinant!
Adeline Stern
Service Compris
Vendredi 12 septembre à 20h30, le film sera suivi d’une discussion, avec le réalisateur et l’une des protagonistes, puis, comme il se doit, du verre de l’amitié.
Après un très beau film sur l’écrivain soleurois Peter Bichsel, que l’on retrouve en client assidu dans «Service compris», le réalisateur suisse Eric Bergkraut consacre son nouveau documentaire aux vrais bistrots qui, selon lui, incarnent l’«un des derniers refuges de liberté».
Par le biais d’un montage virtuose, le cinéaste nous invite aux comptoirs de quatre établissements répondant à son critère, filmant à la fois leurs tenanciers et leurs «habitués». C’est ainsi que s’accoude successivement à l’Atrio, situé dans la gare de Zurich, au Transit, ouvert à Altstetten, en passant par une auberge en Appenzell et, tout près de chez nous, l’Hôtel de la Poste, à Fleurier.
Madame Grand, sa tenancière opiniâtre, est d’ailleurs l’une des grandes figures charismatique de ce film qui rend un bel hommage à ces «bistrotiers» et «bistrotières» qui résistent farouchement au diktat de la rentabilité à tout prix.
Adeline Stern
New York Melody
Après le très attachant «Once» (2006) et sa romance trop vite rattrapée par un réel fort peu jouasse, le réalisateur irlandais persiste dans la veine musicale qui lui avait si bien convenu… Arrivée à New York dans les bagages d’une pop-star londonienne dont elle est la fiancée, Gretta (Keira Knightley) se fait larguer, à peine installée…
Ecœurée, la jeune femme décide de rentrer en Angleterre. La veille de son départ, elle assiste au concert d’un ami qui l’invite à la rejoindre sur scène pour pousser la chansonnette. Dans la salle, Dave (Marc Ruffalo), producteur éméché mais jadis très côté, apprécie le «songwriting» de cette inconnue qui «chante pour son plaisir»…
A la sortie, Dave lui propose d’enregistrer un album. Seul problème, il n’a plus de studio, car il vient de se faire mettre à la porte par le label qu’il a fondé ! Une comédie romantique pleine de vitalité, où la passion pour la musique se joue de tous les obstacles…
Adeline Stern
Capitaine Thomas Sankara
Samedi 6 septembre à 18h30 le film sera suivi d’une discussion avec le réalisateur et d’un apéritif à l’africaine.
Ancien programmateur au Cinéma Spoutnik à Genève, Christophe Cupelin est devenu cinéaste après avoir tourné ses premiers films Super-8 au Burkina Faso. Il dresse aujourd’hui un portrait passionnant de Thomas Sankara.
Proclamé président, après avoir pris le pouvoir en 1983, Sankara a marqué l’histoire de son pays qu’il a rebaptisé Burkina Faso, soit «la terre des hommes intègres», en promouvant l’éducation, l’émancipation des femmes et la lutte contre la corruption, ce qui fit frémir nombre de dirigeants en Afrique et au-delà. Trahi par son bras droit, Blaise Compaoré, actuel dirigeant du Burkina, Sankara est assassiné en 1987.
Construit à partir d’images d’archives, «Capitaine Thomas Sankara» est un montage introspectif offrant une vision complète de l’héritage intellectuel et politique de ce chef d’Etat atypique. Avec toute l’énergie du manifeste, le cinéaste restitue la parole percutante de Sankara, qui n’a rien perdu de sa pertinence et de son actualité.
Vincent Adatte
Opération Casse-noisette (3D)
Coproduit par les Etats-Unis et la Corée du Sud, «Opération Casse-noisette» est un petit bijou de film d’animation sans prétention, qui nous change agréablement de l’hystérie et du sur-référencement qui prévaut trop souvent dans le genre. Dû au cinéaste canadien Peter Lepeniotis, qui a longtemps œuvré chez Pixar, il raconte comment Surly, un écureuil à la fourrure violette, met sur pattes le casse magistral d’un magasin de noisettes, histoire de nourrir tous les rongeurs du jardin public, l’hiver venu…
Adeline Stern