Nicolas
Les Mille et une Nuit : L’Enchanté
Le troisième et dernier volet de l’œuvre magique de Miguel Gomez persiste et signe dans sa volonté d’exprimer la rude vérité du monde contemporain, mais sans renoncer à l’émotion et à la poésie la plus intense.
Toujours calqué sur le principe des « Mille et une Nuits », « L’enchanté » voit d’abord Shéhérazade s’échapper du palais en quête d’enchantements, avant de reprendre ses récits qui témoignent des désastres causés par la politique d’austérité imposée au Portugal par l’Union européenne. C’est ainsi qu’elle évoque ces étranges « pinsonneurs » issus de la banlieue la plus pauvre de Lisbonne, qui font participer leurs oiseaux à des concours de chants, discipline singulière et radicalement poétique.
Plus tard, Shéhérazade s’immisce dans une vraie manifestation de policiers en grève, qui donne matière à l’une des scènes les plus troublantes qui soit… Ce faisant, Gomez renouvelle complètement le rapport entre la fiction et le réel. Ici, c’est le réel qui réenchante la fiction !
Vincent Adatte
Hôtel Transylvanie 2 (3D)
Cinéaste d’animation américain d’origine russe, Genndy Tartakovsky nous avait joliment divertis avec « Hôtel Transylvanie » (2012), une parodie très enlevée du film d’horreur. Le succès aidant, le réalisateur rempile avec cette suite, annoncée comme très drôle, où Dracula tente de faire de son adorable petit-fils un vampire digne de ce nom… De l’épouvante rieuse pour toute la famille !
Adeline Stern
Marguerite
Librement inspiré de la vie de la « cantatrice » américaine Florence Foster Jenkins, le sixième long-métrage de Xavier Giannoli a le don de plonger le spectateur dans une transe émotionnelle plutôt rare au cinéma, qui va de la stupeur à la compassion.
Le film s’ouvre sur un concert donné pour une œuvre de bienfaisance. Va se produire la baronne Marguerite Dumont (Catherine Frot). Prétextant une panne de voiture, son mari (André Marcon) se dérobe. Bien que déçue, Marguerite commence tout de même son tour de chant. Elle chante alors « divinement »… faux !
Stupéfait, le spectateur se demande alors, et à raison, si le réalisateur de « à l’origine » va pouvoir tenir ce challenge : nous faire aimer quand même sa protagoniste à voix de crécelle, à laquelle personne ne révèle la vérité, pour différentes raisons… Le réalisateur de « à l’origine » y réussit haut la main, au point que Marguerite et ses fausses notes, d’une sincérité absolue, nous émeuvent au plus profond !
Vincent Adatte
Everest (3D)
Fidèlement adapté de « Tragédie à l’Everest », un récit autobiographique de l’écrivain et alpiniste américain Jon Krakauer, le nouveau film à grand spectacle du cinéaste islandais Baltasar Kormakur retrace l’une des ascensions les plus désastreuses du Toit du monde.
En 1996, par moins quarante degrés et avec un oxygène limité, Rob (Jason Clarke), Scott (Jake Gillenhaal, Beck (Josh Brolin) et Doug (John Hawks) parviennent au sommet sans trop d’encombres. Las, une météo désastreuse va rendre leur descente nettement plus aléatoire. Certains y perdront la vie, d’autres leur humanité…
Alliant réalisme et suspense, le réalisateur de « 101 Reykjavik » nous fait littéralement entrer dans ce drame aigu de la survie, par le biais d’une mise en scène très physique et d’une rare efficacité. Non sans pointer les dérives d’un alpinisme-tourisme tout à fait lucratif, qui engorge les plus hautes cimes de l’Himalaya…
Vincent Adatte
Les deux amis
Fils du cinéaste Philippe Garrel (L’ombre des femmes), Louis Garrel est un jeune acteur remarquable, qui s’est aussi découvert un talent de réalisateur. Pour preuve, il nous gratifie aujourd’hui d’un premier long-métrage très réussi, empreint d’une légèreté grave, laquelle n’est pas sans rappeler le regretté François Truffaut.
Librement inspiré des « Caprices de Marianne » d’Alfred de Musset, « Les deux amis » commence dans une prison pour femmes où se douche Mona (sublime Golshifteh Farahani) qui bénéficie d’un régime de semi-liberté. Comme chaque jour, elle prend le train pour rallier la sandwicherie où elle travaille.
Ignorant tout de sa condition, Clément (Vincent Macaigne) et Abel (Louis Garrel) s’attardent au comptoir pour la poursuivre de leurs assiduités séductrices. Sans en mesurer les conséquences, ils s’efforcent de la dissuader de prendre le train du retour… Le triangle amoureux dans tous ses états !
Adeline Stern
Au plus près du soleil
Juge d’instruction peu commode, Sophie (Sylvie Testud) interroge Juliette (Mathilde Bisson) pour un possible abus de faiblesse sur la personne de son ex-amant qui a fini par se suicider. Le ton monte très vite entre la magistrate et sa séduisante interlocutrice !
En instruisant le dossier, Sophie découvre que l’accusée n’est autre que la mère biologique de son propre fils adoptif, né sous X en 1998. Loin de se dessaisir de l’affaire, comme le lui conseille Olivier (Grégory Gadebois), son mari avocat, elle fait incarcérer la jeune femme, espérant ainsi protéger sa famille et garder le secret…
Confronté au refus de sa femme, l’homme de loi entre alors en contact avec Juliette… Le réalisateur Yves Angelo (Le Colonel Chabert, Les âmes grises) réussit à bâtir un suspense psychologique aussi prenant qu’inconfortable, tirant tout le parti d’un formidable trio d’acteur et d’actrices jouant à fleur de peau.
Vincent Adatte
Le Labyrinthe : Terre Brûlée (3D)
Très bien mené, le premier volet de cette trilogie, tirée des romans pour jeunes adultes de James Dashner, tranchait sur la platitude habituelle seyant à ce genre de dystopie, souvent un peu trop prédigéré, public cible oblige.
Misant sur le dépouillement et la disparition des repères traditionnels de nos sociétés (dont celui de la famille), cette saga voyait un groupe de jeunes garçons confronté à un mystérieux et très dangereux labyrinthe changeant chaque nuit de configuration. À la fin du film, Thomas, accompagné de quelques rescapés dont la seule fille du groupe, réussissaient à quitter ce dédale.
Dans le second volet, les jeunes gens sortis du labyrinthe découvrent un paysage de désolation, un monde dévasté et ravagé par des hordes de survivants aux allures de zombies. Impavides, Thomas et les siens partent alors à la recherche de la mystérieuse organisation, connue sous le nom de WICKED (méchant en anglais), qui semble porter la responsabilité de cette apocalypse…
Adeline Stern
Du jeudi 1 au dimanche 4 octobre prochains
Une Fête du Cinéma vraiment… royale!
La Fête du Cinéma est sans nul doute l’un des événements les plus appréciés du fidèle public du Cinéma Royal de Sainte-Croix. Proposés en avant-première, les neuf films à l’affiche expriment toute la palette des émotions «grand écran». Et comme toujours, il sera possible d’allier plaisirs de la table et découvertes cinématographiques…
Jeudi, en ouverture, tous les amateurs de cinéma indépendant américain se feront une joie de découvrir la comédie décalée «Me And Earl And The Dying Girl». Vendredi, ce sera un changement radical de registre avec «Le Fils de Saul». Primé à Cannes, ce film-choc, d’une intensité incroyable qui, en permettant au spectateur de vivre cette expérience de l’intérieur, le confronte à sa propre humanité…
Samedi, après avoir découvert en famille les ravissements du film d’animation «Mune, le gardien de la lune», les adultes curieux et avides de vastes horizons pourront enchaîner avec «Béliers», comédie pastorale islandaise qui rend hommage à un mode de vie en voie de disparition. Le soir venu, le spectateur épris de cinéma profond et humaniste pourra partager quelques moments de l’existence de «Fatima», une femme de ménage marocaine qui élève seule ses deux filles adolescentes.
Dimanche matin, le jeune acteur Kacey Mottet Klein viendra présenter le très émouvant et fort réussi «Keeper» où il joue le rôle d’un adolescent confronté à une paternité précoce. En fin d’après-midi, jeunes et moins jeunes se délecteront du suspense et de la poésie de «Phantom Boy», le nouveau film d’animation des auteurs du mémorable «Une vie de chat». Documentaire événement de cette édition 2015, «The Wolfpack» racontera comment une jeune fratrie séquestrée par un père trop protecteur a été «sauvée» par le cinéma. Et tout finira en éclats de rire feutrés et subtils, avec le dernier Woody Allen qui s’annonce comme un très grand cru!
Irrational Man
A bientôt 80 ans, Woody Allen ne lâche rien. Après le très vache «Blue Jasmine» en 2013 et le délicieusement malicieux «Magic In the Moonlight» en 2014, le 45e long-métrage du réalisateur de «La rose pourpre du Caire» renoue brillamment avec la tragicomédie existentielle, à la façon de «Match Point» et «Crimes et délits».
Professeur à l’université, Abe Lucas (Joaquin Phoenix) pense qu’il a raté sa vie. Dévasté sur le plan affectif suite à son divorce, il enseigne la philosophie sans réelle conviction. Sexuellement parlant, il n’est plus vraiment au meilleur de sa forme… Il va pourtant rencontrer, un peu malgré lui, une charmante prof engluée dans un mariage désastreux et une délicieuse étudiante (Emma Stone) qui apprécie son côté torturé…
Bref, Abe aurait bien aimé faire au moins une fois quelque chose d’utile dans sa vie, jusqu’au jour où il surprend une conversation de bistrot qui va l’inciter à enfin passer à l’acte… Une merveille de scénario pour du tout grand Allen, on se délecte!
Adeline Stern
The Wolfpack
Grand prix du Jury du Festival de Sundance, la Mecque du cinéma indépendant étasunien, «The Wolfpack» de la réalisatrice Crystal Moselle est un documentaire absolument sidérant qui prouve que le cinéma peut nous sauver la vie, au sens le plus littéral du terme!
Enfermés et scolarisés à domicile pendant près de quatorze ans par un père sectaire, qui voulait les protéger du capitalisme, six frères ont survécu à cette épreuve grâce à une montagne de DVD (plus de dix mille) qu’ils visionnaient jour et nuit. Pour canaliser leur énergie, les gosses se rejouaient entre eux les scènes des films qui les avaient le plus marqués.
A travers leurs propres mots et leurs «répétitions» qu’ils filmaient en vidéo, affublés de costumes fabriqués avec les moyens du bord, la cinéaste reconstitue le quotidien étonnant de ces «enfants de cinéma» qui, aujourd’hui, souhaitent tous faire des films, des vrais cette fois!
Vincent Adatte