Afin de fêter les 10 ans de la coopérative «Mon Ciné», de nombreux événements vont avoir lieu en 2008. Dans le cadre de cette première «semaine découverte», dimanche, Love and Honor sera précédé d’une dégustation de spécialités culinaires japonaises ainsi que d’un moment musical.

A septante-cinq ans passés, le réalisateur japonais Yoji Yamada persiste et signe dans la veine du chambara (film de sabre) démystificateur. Après le réussi The Twilight Samouraï (Le Samouraï du Crépuscule), ce cinéaste aussi discret que prolifique s’attache pour son septante-neuvième long-métrage (!) aux pas humiliés d’un bushi (littéralement «guerrier gentilhomme») déclassé de la fin de l’ère Edo (vers 1800).

Réduit à jouer le rôle de goûteur à la cour du Prince, le samouraï Shinnojo manque de mourir empoisonné en testant un poisson avarié. Frappé de cécité, il perd son emploi et devient dépendant des siens. Ces derniers conseillent à sa femme Kayo d’aller quémander le soutien de Shimada, régisseur influent du domaine. Peu après, la rumeur de l’infidélité de Kayo se propage…

Comme souvent chez Yamada, Love and Honor se clôt sur un duel au sabre mémorable. Mais le véritable intérêt du film se situe ailleurs, dans la manière dont l’un des cinéastes les plus populaires du Japon décrit avec une minutie poignante l’époque finissante de la féodalité nippone, dans son traitement subtil du thème du pardon qui débouche sur l’amour vrai… Au royaume des samouraïs aveugles, Shinnojo se révèle l’égal de l’illustre Zatoichi, moins héroïque peut-être, mais bien plus mature!

Vincent Adatte

Avec Takuya KIMURA, Rei DAN, Mitsugoro BANDO * Age légal 7 ans / suggéré dès 12 ans * VO sous-titrée

Afin de fêter les 10 ans de la coopérative «Mon Ciné», de nombreux événements vont avoir lieu en 2008. Dans le cadre de cette première «semaine découverte», samedi, Hippie Masala sera précédé d’un repas dans le thème…

Réalisé par les Bernois Ulrich Grossenbacher et Damaris Lüthi, Hippie Masala s’ouvre sur des images d’archives familières qui évoquent le départ pour l’Inde de milliers de jeunes gens attirés par un «ailleurs» mirifique. La plupart ont fini par revenir au bercail. Certains sont restés. Vingt ans plus tard, ce documentaire empreint d’une grande lucidité retrouve la trace de sept de ces obstinés…

Partie vivre avec un guru dans une grotte, Meera la Belge affronte un milieu hostile après le décès de son mentor. De nationalité italienne, Cesare est sans doute celui qui s’est le mieux acclimaté. Devenu Yogi, il débroussaille le chemin vers la spiritualité pour des disciples un brin enfumés. Hollandais marié à une Indienne, Robert réussit à vivre de sa peinture, mais s’angoisse du sort qui sera réservé à sa famille après sa mort.

Accroché à son identité suisse allemande, Hans-Peter s’évertue à reconstituer une Helvétie en miniature dans une vallée perdue, tout en méprisant sa compagne indigène. Enfin, à Goa, Erica et Gillian, deux sœurs exsudant des vapeurs d’alcool, vivent dans une autre réalité… Dépourvu de tout commentaire, Hippie Masala n’est pas très tendre avec ses protagonistes, c’est là sa grande qualité.

Adeline Stern

Age légal 14 ans / suggéré dès 14 ans * VO sous-titrée

Chef de file incontesté du cinéma québécois, Denys Arcand a une vision très noire de notre condition, comme le laissent déjà transparaître les titres de ses films ravageurs! Après Le déclin de l’empire américain (1986), De l’amour et des restes humains (1993) et Les invasions barbares (2003), nous devons aujourd’hui nous plonger dans L’âge des ténèbres…

Très petit fonctionnaire employé à l’Office de protection du citoyen, Jean-Marc Leblanc compense ses frustrations quotidiennes par un usage immodéré de la rêverie. Grâce à son imagination débordante, Leblanc prend dès qu’il en a l’occasion sa revanche sur une réalité qui ne l’épargne guère. A l’insu de sa femme et de ses enfants, il se venge de toutes les humiliations subies en devenant tour à tour un romancier à succès, l’amant d’une star du cinéma ou un homme politique à l’ascension irrésistible…

Le ton est à la satire grinçante, souvent irrésistible, mais où perce parfois une tristesse infinie. Joué par le célèbre humoriste québécois Marc Labrèche, le personnage de Leblanc nous touche par ses tentatives désespérées pour exister dans un monde où il n’a pas sa place. Malgré un final apaisant, le réalisateur de Jésus de Montréal (1988) a rarement été aussi férocement misanthrope!

Adeline Stern

Avec Marc LABRECHE, Diane KRUGER, Sylvie LEONARD * Age légal 16 ans / suggéré dès 16 ans * Film coup de coeur

L’Ouest, le vrai, comme vous ne l’avez encore jamais vu! L’industrie hollywoodienne semble redécouvrir les vertus pleines de sobriété du western en plein air. C’est là peut-être une manière de se purger du trop-plein d’effets spéciaux qui boursoufle actuellement la plupart de ses blockbusters.
Véritable légende du Far West, Jesse James (Brad Pitt) s’apprête à commettre son ultime hold-up. A cette occasion, Bob Ford (Casey Affleck), une nouvelle recrue, rejoint sa bande de malfrats. Animé par une profonde jalousie, ce jeune homme noue une relation ambiguë avec son mentor, jusqu’au point de projeter l’assassinat de ce «héros» sadique et dépressif qui n’avait vraiment rien d’un Robin des Bois.

Produit par Brad Pitt, le second long-métrage du jeune réalisateur néo-zélandais Andrew Dominik s’inscrit dans une veine démystificatrice qu’il enrichit d’une réflexion passionnante et très contemporaine sur le fantasme de notoriété entretenu par nos médias. Le final qui voit le pauvre Ford répéter indéfiniment son exploit sur les scènes de théâtre fait irrésistiblement penser à nos émissions de télé réalité. Comme tout bon film historique, ce grand western crépusculaire reflète de manière passionnante les réalités du jour.

Vincent Adatte

Avec Brad PITT, Casey AFFLECK, Sam SHEPARD * Age légal 12 ans / suggéré dès 14 ans * VO sous-titrée

Habitant une banlieue londonienne plutôt tristounette, deux frères d’origine modeste désirent plus que tout s’acheter un bateau. Parieur invétéré, Terry (Colin Farrel) mise un jour sur le bon lévrier. A la grande joie de son frangin Ian (Ewan McGregor), ils peuvent enfin acquérir le voilier de leurs rêves dont le nom de baptême, Le rêve de Cassandre, aurait dû les inciter à la prudence.

Loin de se contenter d’avoir réalisé leur souhait, les deux frangins commencent à vivre au-dessus de leurs moyens. Endettés jusqu’au cou, ils doivent bientôt se résoudre à demander de l’aide à un oncle richissime (Tom Wilkinson) qui exige un petit service en échange, le débarrasser définitivement d’un associé devenu gênant…

Depuis Match Point (2005), Allen a trouvé une seconde jeunesse en Angleterre. Le rêve de Cassandre fait beaucoup penser à l’un des sommets de sa période américaine, Crimes et délits (1989) dont l’amère réflexion sur la notion de culpabilité était émaillée de bons mots. Mais la ressemblance s’arrête là. Dix-huit ans plus tard, l’ex-amuseur n’a plus trop envie de rire. A l’exemple de ce thriller implacable, Allen met désormais tout à nu, sans aucun apprêt, rien que l’absurde mécanique du gain, du capital… Impressionnant!

Adeline Stern

Avec Colin FARRELL, Ewan McGREGOR, Tom WILKINSON * Age légal 12 ans / suggéré dès 16 ans * VO sous-titrée

Auteur de Série noire, Alain Corneau a réussi de main de maître le remake de l’un des sommets du polar français tourné en 1966 par Jean-Pierre Melville. Adapté d’un roman de José Giovanni, Le deuxième souffle raconte l’histoire d’un dangereux gangster condamné à la prison à vie. Après une évasion spectaculaire, il accepte de participer à un dernier hold-up dans l’espoir de refaire sa vie avec la femme qu’il aime. Mais rien ne se déroulera comme prévu…

Corneau n’est pas un tiède. Sa filmographie riche d’une quinzaine de longs-métrages est jalonnée de films très casse-gueule. Capable d’enchaîner deux projets aussi dissemblables que Nocturne indien et Tous les matins du monde, ce passionné de jazz «bop» et de cinéma américain aime à brouiller les pistes en tentant des paris souvent risqués. Dans cet esprit, Le Deuxième souffle tient du défi!

Sur le plan esthétique, notre cinéaste a pris le contre-pied du film original. Les décors baignent dans une tonalité vert rouge, irisée de lumière jaune rose et très éloignée des tons froids chers à Melville. Côté distribution, les Daniel Auteuil, Monica Bellucci, Michel Blanc et autre Jacques Dutronc se montrent dignes de leurs prédécesseurs (Lino Ventura, Paul Meurisse, Raymond Pellegrin).

Vincent Adatte

Avec Daniel AUTEUIL, Monica BELLUCCI, Michel BLANC * Age légal 14 ans / suggéré dès 14 ans

Auréolé de la prestigieuse Caméra d’or cannoise, une distinction décernée au meilleur premier long-métrage présenté dans le cadre du festival, toutes sections confondues, Les méduses vient s’échouer sur nos écrans pour le plus grand bonheur des cinéphiles.

Le coup d’essai de Etgar Keret et Shira Geffen, un couple d’écrivains très cotés en Israël, est pour le moins transformé! Reprenant la formule du film choral, ces deux novices lui donnent un ton inédit, une légèreté miraculeuse qui rend presque enviable l’état de dépression molle dans lequel baignent leurs protagonistes à la dérive. A Tel-Aviv, ville vitrine qui devrait témoigner de la réussite éclatante du pays, une poignée de personnages se croisent, s’effleurent, parfois même se rencontrent. Procédant par vignettes, Keret et Geffen forment un groupe qui n’en sera jamais vraiment un.

Le charme du film tient à la manière dont les deux réalisateurs chorégraphient ce petit ballet existentiel très éloigné du Lac des cygnes. Avec humour et bienveillance, ils fondent une communauté éphémère faite de rêves non accomplis, de frustrations rentrées, de traumatismes inavoués, ses membres se laissant flotter au gré du courant, sans pouvoir infléchir leur destin, tels les Méduses du titre.

Vincent Adatte

Avec Sarah ADLER, Noa RABAN, Gera SANDLER * Age légal 10 ans / suggéré dès 16 ans * VO sous-titrée

Elles sont en effet très joyeuses, ces funérailles! Avec une verve complètement retrouvée, le cinéaste britannique Frank Oz narre les infortunes mortuaires d’une famille honorable en état de décomposition avancée. Au cœur de la campagne anglaise, deux frères enterrent leur vieux père avec les proches et amis de la famille.

Selon une coutume bien établie, ce genre de retrouvailles forcées a pour effet de faire apparaître au grand jour les aigreurs, frustrations et mésententes. Une erreur de cadavre, un nain maître chanteur, un grand-père incontinent et une exhibition malencontreuse achèvent de transformer la cérémonie en une farce grotesque qui a fait hurler de rire le public de la Piazza Grande!

L’impertinence du cinéaste fait vraiment plaisir à voir. On le sent jubiler à l’idée d’enchaîner sans aucun souci de bienséance les accrocs les plus scabreux, donnant de la soi-disant bonne société britannique une image plutôt piteuse. Ce véritable jeu de massacre fera les délices du spectateur irrévérencieux. Coréalisateur du mythique Muppet Show au début des années septante, Oz se lâche complètement, n’hésitant pas à se montrer franchement iconoclaste, pour le plus grand plaisir du spectateur… Les morts iront en paix plus tard!

Adeline Stern

Avec Matthew MACFADYEN, Rupert GRAVES, Alan TUDYK * Age légal 10 ans / suggéré dès 12 ans * VO sous-titrée

1er décembre, dès 18h00 : Soirée “De l’argent et du Cinoche” en partenariat avec l’EERV, Formation d’adultes, Région 7 Nord vaudois

Premier long-métrage d’un jeune cinéaste gabonais qui a remué ciel et terre pour concrétiser son désir de cinéma, Dôlé est empreint de la vitalité joyeuse des laissés pour compte du monde global. Tournée dans les faubourgs dévastés de Libreville, une ville rarement vue au cinéma, cette chronique décrit les petites arnaques de quatre adolescents.

Une nouvelle forme de loterie, le dôlé, est en train de faire tourner toutes les têtes à Libreville. Mais plutôt que de gratter bêtement une litanie de billets perdants, Mougler et ses trois potes projettent un casse gagnant à tous les coups. Perdus dans le grand nulle part de la capitale gabonaise, ces quatre ados candides n'ont rien trouvé de mieux pour prolonger leurs rêves inaccessibles faits de rap, fric, fringues et célébrité!

Emblématique de l'évolution récente d'un cinéma africain qui a quitté la campagne pour la ville, Dôlé a certes le désespoir joyeux, mais démontre que la mondialisation tant vantée par les économistes n'est guère qu'un miroir aux alouettes pour la majorité des habitants de notre pauvre planète!

Avec David NGUEMA NKOGUE, Roland NKEYI, Nicaise TCHIKAYA

Le titre du vingt-et-unième long-métrage d’André Téchiné reste longtemps mystérieux pour prendre soudain tout son sens. Les témoins est un film en trois chapitres intitulés Les beaux jours, La guerre et Le retour de l’été.

Le premier chapitre est un portrait de groupe, baigné par la lumière de l’été 1984. Sarah (Emmanuelle Béart) est romancière et a pour compagnon Mehdi (Samir Bouajila), un flic qui travaille à la brigade des mœurs. Chanteuse lyrique, Julie (Julie Depardieu) se voue à sa passion, habitant un hôtel sordide où la rejoint bientôt son jeune frère Manu (Johan Libéreau) monté de sa province à Paris. C’est un ami commun, Adrien (Michel Blanc), un médecin, qui met en contact les uns et les autres.

Le deuxième chapitre, La guerre, stoppe net cette circulation du désir. Atteint du sida, Manu meurt frappé par un virus alors inconnu, une épidémie qui procède presque d’un film de science-fiction tant elle semble alors impossible à juguler. La plupart des protagonistes craignent la contamination et réagissent au désastre de manière très diverse. Dans le troisième chapitre, les survivants se reprennent et s’efforcent de lutter contre le sida, un mot qui n’est pas prononcé une seule fois dans ce film bouleversant, qui invite au bonheur envers et contre tout.

Vincent Adatte

Avec Michel BLANC, Emmanuelle BÉART, Sami BOUAJILA * Age légal 16 ans / suggéré dès 16 ans