Une Séparation
Ours d’or du dernier festival de Berlin, le nouveau film du réalisateur du déjà remarquable «A propos d’Elly» restitue la descente aux enfers d’un couple. En instance de divorce, ce dernier doit faire face à une plainte de la garde-malade qui s’occupe du père du mari, atteint d’Alzheimer.
Confrontant ces personnages, issus de milieux défavorisés et de la classe moyenne, le cinéaste révèle le profond malaise qui gangrène actuellement la société iranienne. Attachés à leurs traditions, les uns sont forcés d’obtenir le consentement de leurs guides religieux, se laissant déposséder de leur libre-arbitre, tandis que les autres, aspirant à la modernité, sont contraints à mentir pour donner le change.
En libérant la parole contradictoire de tous ses protagonistes, Asghar Farhadi sauvegarde la liberté d’interprétation du spectateur… Un grand film courageux et vital, en regard de l’état révoltant de la justice qui prévaut en Iran!
Vincent Adatte
Hugo Koblet - Pédaleur de charme
Pour échanger, de façon informelle, autour de l’histoire sportive de notre pays, la séance du dimanche 7 août à 10h sera suivie d’un brunch. Forfait film+brunch au prix de 20.-
Surnommé «le pédaleur de charme», le coureur cycliste Hugo Koblet est aujourd’hui une icône de l’histoire du sport suisse. Vainqueur des Tours d’Italie et de France, en 1950 et 1951, ce fils de boulanger doit son surnom au fait qu’il se montrait toujours très attentif à son élégance, au point de se recoiffer en pleine course! Adulé du temps de sa gloire par la gent féminine, Koblet connut une déchéance vertigineuse. Sa santé minée par un dopage intensif, il saborda sa retraite sportive avec moult problèmes financiers, avant de trouver la mort en 1964 dans un accident de voiture, qui ressemblait fort à un suicide.
Mêlant images d’archives, scènes reconstituées et témoignages de proches du champion, le réalisateur grison Daniel Von Aarbug dresse le portrait tragique de ce «héros national» qui incarnait trop parfaitement la Suisse de l’époque, si confiante en son avenir. Avec intelligence, il nous instruit de ce décalage par le biais de scènes «fictionnelles» volontairement kitsch.
Adeline Stern
Nostalgie de la lumière
Depuis sa trilogie «La Bataille du Chili» (1975-1979), un document à vif sur l’utopie Allende, Patricio Guzmán, documentariste chilien contraint à l’exil lors du coup d’Etat de 1973, poursuit un travail de mémoire inlassable sur l’histoire récente de son pays.
Avec «Nostalgie de la lumière», Guzmán signe à septante ans un essai cinématographique sidérant d’émotion sur le passé enfoui de la tragédie du Chili. Dans le désert d’Acatama, à trois mille mètres d’altitude, sur l’une des terres les plus arides de la planète, les astronomes observent les étoiles jusqu’aux confins de l’univers.
Mais, tandis que les uns scrutent le ciel, d’autres fouillent le sol à main nue, dans l’espoir de retrouver les ossements des prisonniers politiques «portés disparus» sous la dictature de Pinochet. En appariant ces deux recherches, en mettant en rapport leurs protagonistes, le cinéaste veut faire échec à «la nuit profonde qui environne l’humanité». Un chef-d’œuvre indispensable, beau à pleurer!
Vincent Adatte
Le Complexe du Castor
Actrice exigeante menant une carrière remarquable, Jodie Foster est aussi une réalisatrice de talent, auteur de deux films subtils et décalés, «Le Petit Homme» (1991) et «Week-end en famille» (1996). Elle persiste aujourd’hui avec «Le complexe du castor», un troisième long-métrage de la même veine, dans lequel elle dirige à très bon escient le pestiféré Mel Gibson.
Walter Black est chassé du domicile familial par sa femme qui ne supporte plus son état dépressif. Peu après, le malheureux trouve dans une benne à ordures une marionnette de ventriloque, une vieille peluche de castor qu’il enfile à son bras. Très alcoolisé, il commence à dialoguer avec elle, en faisant les questions et les réponses…
L’effet se révèle prodigieux! La bestiole intarissable faisant à la fois office de rempart contre les mauvaises ondes et de catalyseur de toutes ses angoisses, Walter peut réussir son come-back dans la vie ordinaire, encore que le castor commence à devenir assez envahissant…
Adeline Stern
Cars 2 (3D)
En 2006, les studios Pixar recréaient un univers parallèle où l’automobile se passait de l’homme pour vivre ses propres aventures motorisées. Vedette incontestée de «Cars», Flash McQueen, une voiture de course, apprenait à voir le monde autrement, après avoir emprunté une route secondaire peuplée de guimbardes délicieusement obsolètes.
Vavavoum! Les tacots numériques repassent aujourd’hui la deuxième pour de nouveaux exploits vrombissants, avec la 3D en plus… Sous l’influence de Martin, son amie dépanneuse très gaffeuse, Flash McQueen s’est décidée à participer à un prestigieux championnat mondial sur des circuits situés dans divers pays.
Débarquant au Japon où a lieu la première course, notre duo va être mêlé à une affaire d’espionnage industriel très épineuse. Animés de fort mauvaises intentions, certains bolides souhaitent en effet profiter de ces joutes mécanisées pour saboter un projet révolutionnaire d’essence propre…
Vincent Adatte
Rio (3D)
Perroquet en voie de disparition, Blu est un ara crâneur, mal élevé et très peu doué pour les acrobaties aériennes. De fait, il ne sait absolument pas voler, ce qui ne lui importe guère, car le volatile coule une existence tranquille en compagnie de sa maîtresse Linda, dans une maison bien chauffée du Minnesota.
Cette vie pépère prend fin le jour où on apprend que la dernière femelle bleutée de son espèce a été localisée dans les parages de Rio de Janeiro. Après s’être fait un peu prier, le psittacidé introverti daigne s’envoler (en avion) pour la capitale de la samba, dans l’idée de convoler avec l’ultime femelle…
Très divertissant, le nouveau film d’animation 3D du réalisateur de la trilogie de «L’âge de glace» plaira à toute la famille. D’origine brésilienne, Carlos Saldanha a manifestement pris plaisir à nous faire voyager dans certains des lieux mythiques de sa ville natale, flirtant pour la première fois de sa carrière avec la reconstitution réaliste.
Adeline Stern
Transformers 3 (3D)
Produit par Steven Spielberg et réalisé par Michael Bay, expert en films de destruction massive, le troisième volet de la saga «Transformers» oppose toujours deux groupes de robots extraterrestres qui ont pris notre bonne vieille Terre comme terrain de jeu.
Pour mémoire, les uns sont plutôt gentils et compréhensifs (les Autobots), les autres, peu ouverts et terriblement agressifs (les Decepticons). Faisant honneur à leur sobriquet, tous font preuve d’un mimétisme redoutable, en prenant la forme de nos plus belles créations mécaniques (voitures, camions, tanks, hélicoptères et bombardiers, c’est selon) sous le regard de l’humanité médusée.
Après une entrée en matière réussie, qui contredit de manière très humoristique un épisode glorieux de l’histoire de la conquête spatiale, l’auteur de «The Island» a tôt fait de transformer Chicago en un gigantesque champ de bataille, en multipliant des effets 3D parmi les impressionnants jamais réalisés! A vos lunettes!
Vincent Adatte
Balada Triste
Au terme de la guerre civile espagnole, alors que les franquistes assiègent Madrid, les forces républicaines recrutent de force une troupe de cirque dont un clown célèbre pour sa drôlerie. Armé d’une machette, ce dernier massacre une kyrielle de nationalistes. Le pitre sanguinaire est arrêté et condamné aux travaux forcés par l’ennemi triomphant. Mortifié, il laisse à son jeune fils Javier le soin de le venger…
L’on retrouve Javier en 1973, soit deux ans avant la mort de Franco. Devenu clown comme son père, Javier travaille dans un cirque régenté par Sergio, un Auguste autoritaire et cruel qui maltraite la trapéziste Natacha. S’instaure alors sur la piste et dans les coulisses un triangle amoureux suintant le malaise et le ressentiment, à l’image de l’Espagne de l’époque…
Réalisateur de «Acción mutante» et du «Crime Farpait», l’Espagnol Alex de la Iglesia tisse une allégorie désespérante qui démystifie le grand barnum de l’Histoire. Intense, baroque et dérangeant!
Vincent Adatte
Gianni et les femmes
Histoire de prolonger ce moment de bonheur, la séance du dimanche 24 juillet à 10h sera suivie d’un brunch. Forfait film+brunch au prix de 20.-
Sexagénaire encore vert, Gianni habite le quartier du Trastevere à Rome. A la retraite, ce bon bougre est pourtant très sollicité, entre les promenades du chien et les tâches ménagères à accomplir pour sa femme, sa fille et le fiancée de sa fille, qui a élu domicile chez lui, sans compter les frasques de sa vieille mère, aristocrate déchue vivant au-dessus de ses moyens.
Italien dans l’âme, Gianni a encore le temps de se retourner sur les filles qui passent et s’en contente, jusqu’au jour où un vieux copain lui démontre que, sous leurs airs respectables, tous les hommes de sa génération ont une maîtresse. Bouleversé par cette révélation, Gianni va tenter de se mettre à la page…
Après «Le déjeuner du 15 août», le cinéaste Gianni Di Gregorio persiste dans le registre tendrement cruel de la comédie à l’italienne, en s’adjugeant à nouveau le rôle principal qui lui sied à merveille… Une réussite drôle et lucide qui constitue l’antidote parfait à la vulgarité de l’ère Berlusconi!
Adeline Stern
The Tree of Life
A près de soixante-huit ans, le réalisateur américain Terence Malick est un véritable mythe vivant du cinéma d’auteur. En bientôt trois décennies de carrière, il n’a signé que cinq longs-métrages (dont «La Ligne rouge» et «Le Nouveau Monde»), mais cela a suffi pour en faire l’un des cinéastes parmi les plus importants de l’histoire récente du septième art.
A la fin des années soixante, Jack (Sean Penn) perd son frère cadet. Ce deuil a le don douloureux de lui remettre en mémoire toute son enfance, dramatiquement partagée entre une mère à l’amour inconditionnel (Jessica Chastain) et un père autoritaire (Brad Pitt), répressif par nature, qui veut endurcir ses enfants aux aléas de la vie…
Palme d’or du dernier Festival de Cannes, «The Tree of Life» («L’Arbre de vie») est une œuvre inclassable qui entend restituer rien moins que le cycle de la vie, une ambition à la mesure de ce cinéaste élégiaque et très peu rompu à l’art du compromis!
Vincent Adatte