Astérix : Le domaine des dieux (3D)
Adaptant son album préféré, l’humoriste Alexandre Astier, créateur de l’indicible série «Kaamelott», a en gros repris la trame du «Domaine des Dieux», 17e album du tandem, paru en 1971… On y retrouve donc ce vieux Jules, lequel s’est décidé à changer de tactique, histoire de vaincre définitivement les irréductibles Gaulois que l’on sait.
Finaud le stratège fait construire à côté de leur village un complexe résidentiel luxueux destiné à une clientèle de riches Romains, pensant à juste titre que l’appât du gain et l’attrait du confort constituent des armes bien plus fatales que des cohortes de légionnaires terrorisés…
Le verbe haut d’Astier crépite à loisir, truffant son ouvrage d’anachronismes verbaux remis au goût du jour, à l’exemple de ce soldat romain se plaignant de la «pénibilité» de sa mission, tout en conservant des jeux de mot mythiques, tel l’inoubliable «Il ne faut jamais parler sèchement à un Numide».
Adeline Stern
Bouboule
Kevin a douze ans et déjà plus de cent kilos à mouvoir, «un tank avec un cœur de mobylette», pour reprendre les termes d’un médecin inquiet pour sa santé. A l’école, il est «Bouboule», suscitant la risée de ses camarades. En famille, Kevin n’est pas mieux loti, avec une mère culpabilisée et deux sœurs manquant cruellement d’empathie. Pour ne rien arranger, son père brille par son absence.
En mal de modèle masculin, Kevin se trouve un mentor en la personne d’un vigile mythomane flanqué d’un clebs redoutable. En sa virile compagnie, Bouboule croit alors tenir sa revanche sur cette vie qui ne lui a pas fait de cadeaux…
Contre toute attente, Bruno Deville filme ce sujet «lourd» avec une grâce infinie, où la dérision le dispute à la tendresse, avec des trouées oniriques qui expriment à merveille le mal-être de son personnage. En résulte un premier long-métrage magnifique, comme en état d’apesanteur!
Vincent Adatte
Serena
Adepte à ses débuts du Dogma, mouvement rigoriste cher à Lars von Trier, la cinéaste danoise Suzanne Bier mène depuis lors une carrière internationale, ponctuée de réussites souvent remarquables («Brothers», «After the Wedding», «Revenge», etc.). Tourné aux Etats-Unis, «Serena» constitue déjà son quatorzième long-métrage.
A la fin des années 1920, au plus fort de la Grande Dépression, George Pemberton (Bradley Cooper) et sa femme Serena (Jennifer Lawrence) s’installent en Caroline du Nord pour y développer une grande entreprise de bois de construction. Associée à son mari, l’impétueuse et très indépendante Serena ne tarde pas à s’imposer dans ce monde d’hommes durs à la tâche, ce qui déplaît à certains esprits machistes…
Sur le mode du drame réaliste, émaillé de fulgurances mélodramatiques, la réalisatrice signe à nouveau un film très fort, servi par un duo d’acteurs au sommet de leur art.
Adeline Stern
Au bord du Léman
Le 7 décembre, le film sera suivi d’une discussion avec le cinéaste.
Immigrée kurde, Nuray habite à Lausanne chez ses parents. Travaillant comme serveuse, elle vit séparée de son époux musulman fondamentaliste, imposé par son père, et qui lui refuse le divorce. Entre-temps, la jeune femme est tombée amoureuse de Emre, un sans-papier rêvant de reprendre ses études de droit, mais dont l’avenir en Suisse reste hypothétique.
Las, l’avis d’expulsion qu’il reçoit un jour complique les choses. Restant optimiste, Nuray s’efforce de croire à leur avenir commun, tout en évitant, autant que faire se peut, son «mari» qui la surveille inlassablement.
A n’en pas douter, le cinéaste kurde Roni Can Vesar, ancien demandeur d’asile, a tiré la substance de son premier long-métrage de fiction de son propre vécu. Brossant un tableau tout en pudeur des problèmes et dilemmes de ses pairs exilés, il nous donne à voir un autre point de vue… Précieux!
Adeline Stern
Marie Heurtin
A la fin du dix-neuvième siècle, une bonne sœur (Isabelle Carré) tente de sortir de sa «prison intérieure» une adolescente atteinte de surdicécité, en inventant d’elle-même un nouveau langage de signes «dans la main», que l’on utilise encore aujourd’hui.
Ne se résolvant pas à abandonner sa fille sourde et aveugle dans un asile psychiatrique, son père aimant la garde chez lui, alors qu’elle se comporte comme une véritable enfant sauvage. Marie refuse en effet de se laver, de se coiffer, de s’habiller. Jusqu’au jour où son père entend parler de religieuses qui enseignent le langage des signes à de jeunes sourdes…
Inspiré de faits réels, le nouveau film du réalisateur des «Emotifs anonymes» et de «L’homme qui rit» est, contre toute attente, un miracle de légèreté lumineuse, à voir absolument, ne serait-ce que pour la prestation de sa jeune et stupéfiante interprète sourde, Ariana Rivoire.
Vincent Adatte
Interstellar
Gangrenée par la pollution, recouverte d’une poussière mortifère, la planète Terre se meurt. Ancien pilote de la Nasa, veuf et père de deux enfants, Cooper cultive le maïs, dernier moyen de subsistance pour l’humanité en voie de disparition.
Murphy, sa fille, a hérité de sa passion pour les engins volants, même s’ils ne servent plus à rien. Tentant de récupérer un drone égaré, un trésor technologique des plus précieux pour moderniser ses moissonneuses-batteuses, Cooper découvre un centre secret où la Nasa prépare une mission spatiale de la dernière chance…
Avec «Interstellar», le Britannique Christopher Nolan signe une fresque démesurée, un véritable monument cinématographique qui mêle le plus pur mélodrame à la science-fiction humaniste, et dont certaines séquences atteignent une beauté digne de «2001, Odyssée de l’espace» du regretté Kubrick… Laissez-vous embarquer dans ce film à grand spectacle qui joue avec le temps et notre intelligence de façon sidérante!
Adeline Stern
Bande de Canailles
La tranquillité d’un petit village est perturbée par le lancement d’une gigantesque étude sur la société de consommation. Une variété de nouveaux produits farfelus est ainsi proposée aux adultes qui sont considérés comme représentatifs de la norme la plus normée!
Par chance, leurs enfants vont saboter cette étude, histoire de prouver que leur petite communauté n’a vraiment rien d’ordinaire… Une comédie burlesque pour toute la famille, filmée à hauteur d’enfants, pleine de charme et joyeusement anticonformiste!
Adeline Stern
Alfonsina
Samedi 29 novembre, rencontre d’un cinéaste : Christoph Kühn. Le film sera suivi d’une discussion et précédé d’un repas.
Le second film documentaire que Christoph Kühn viendra présenter en personne au Royal est consacré à la poétesse Alfonsina Storni. Née au Tessin, en 1892, elle est devenue de son vivant une véritable légende en Argentine.
Institutrice pour enfants en difficulté, journaliste, auteure dramatique, elle a fait scandale dans la bonne société très machiste de Buenos Aires par ses positions féministes.
Au gré de la chanson «Alfonsina et la mer», chantée partout aujourd’hui, qui évoque sa tragique destinée, le cinéaste lui rend hommage de façon très émouvante… A découvrir!
Vincent Adatte
Glauser
Samedi 29 novembre, rencontre d’un cinéaste : Christoph Kühn. Le film sera suivi d’une discussion puis d’un repas.
Après Nicolas Bouvier, le réalisateur bâlois Christoph Kühn évoque par le biais du cinéma un autre grand écrivain helvétique, Friedrich Glauser (1896-1938), auteur de polars combien dérangeants!
Légionnaire, dadaïste, romancier et morphinomane, cet artiste maudit, bien trop excessif pour la Suisse si étroite de l’époque, ronge son frein dans un hôpital psychiatrique, persuadé qu’il est en train de rater sa vie… Un documentaire fascinant sur une figure non moins fascinante de notre histoire culturelle «cachée»!
Vincent Adatte
Une nouvelle amie
Depuis la fin des années 1990, le cinéaste François Ozon joue avec les genres cinématographiques pour susciter le trouble. En résulte une œuvre souvent provocante. Avec «Une nouvelle amie», le réalisateur de «Jeune et jolie» pousse le bouchon encore plus loin…
Claire (Anaïs Demoustier) révèle à l’enterrement de Laura, (Isild Le Besco), sa meilleure amie, qu’elle lui a juré de veiller sur sa petite fille en bas âge, ainsi que sur son mari David (Romain Duris). Elle-même mariée à Gilles (Raphaël Personnaz), mais sans enfant, Claire tarde à se rendre au domicile de la défunte, comme si elle redoutait quelque chose…
Le jour où elle s’y résout, la jeune femme découvre une scène stupéfiante: vêtue d’une robe de son épouse décédée, maquillée et portant perruque, David donne le biberon au nourrisson… Entre mélodrame et comédie, le quinzième long-métrage d’Ozon est une réussite des plus subtiles, qui restitue toute la complexité du désir, en faisant un sort optimiste à nos préjugés!
Vincent Adatte