Tout feu tout flamme
Samedi 7 février à 18h le film sera suivi d’une discussion avec le réalisateur puis d’un apéritif.
Cinéaste indépendant depuis le mitan des années septante, le Lucernois Iwan Schumacher est l’auteur de plusieurs portraits d’artistes suisse très réussis (le peintre Cuno Amiet, les plasticiens Markus Raetz et Urs Fischer, etc.). Dans le documentaire «Tout feu tout flammes» («Feuer & Flamme»), il nous entraîne à la découverte d’un lieu aussi particulier que fascinant: la fonderie d’art de Felix Lehner, un «ouvrier» peu ordinaire.
Située à Saint-Gall, cette fonderie attire le ghota de l’art contemporain. Des stars mondiales comme Peter Fischli, Paul MacCarthy ou Hans Josephsohn s’en remettent en effet au talent de Lehner et de son équipe pour concrétiser leurs visions en volumes, creux et bosses.
Nombre de grands créateurs d’aujourd’hui confient ainsi leurs «concepts» aux mains expertes d’artisans, charge à eux de les matérialiser… Le succès et l’excellence de la fonderie de Lehner a été tel que le Saint-Gallois a été contraint de délocaliser une partie de sa production à Shanghai!
Vincent Adatte
Les Nouveaux Sauvages
Produit par Almodóvar, le troisième long-métrage du cinéaste argentin Damián Szifrón a fait rire très jaune le public du Festival de Cannes où il était présenté en compétition officielle. Sur le mode du film à sketches, Szifrón montre comment l’homme soi-disant civilisé, selon les circonstances, peut basculer dans la sauvagerie la plus extrême.
Ses «Nouveaux sauvages» disjonctent à la perfection, passant à l’acte de façon aussi inquiétante que jouissive, à l’exemple de ces deux automobilistes prêts à s’entretuer pour un malheureux doigt d’honneur, ou de cette jeune femme qui s’emporte quelque peu quand elle comprend que son mari a invité sa maîtresse à son mariage!
Szifrón ordonne ce jeu de massacre avec un entrain contagieux, sachant pertinemment que chaque spectateur saura se reconnaître dans l’une ou l’autre de ces «victimes» cédant aux plus bas instincts. En creux, il ne manque pas de rappeler que c’est notre «belle» société néolibérale qui engendre ces «nouveaux monstres».
Vincent Adatte
Charlie Mortdecai
Doté d’une belle moustache en guidon, Charles Strafford Van Cleef Morteau est un historien et marchand d’art un brin excentrique. Flirtant parfois avec l’escroquerie, ce dandy est né de la plume de l’écrivain anglais Kyril Bonfiglioli (1928-1985), lequel lui a consacré quatre romans policiers parus dans les années septante.
Scénariste confirmé («Jurassic Park», «La Guerre des mondes», «Indiana Jones et le crâne de cristal», etc.), David Koepp tâte aussi parfois de la réalisation, non sans brio. Confiant le rôle de l’élégant Mortdecai à Johnny Depp, qu’il avait déjà dirigé dans «Fenêtre secrète» (2004), il nous gratifie d’une comédie policière trépidante.
Au bord de la ruine, Mortdecai se met à la recherche d’un tableau de Goya volé à Londres, espérant décrocher la récompense promise à qui le retrouvera. L’affaire se corse quand il apprend que l’œuvre d’art a jadis été dérobée par les nazis. Un certain Goering aurait inscrit au dos de la toile un numéro de compte suisse, lié au «trésor du Troisième Reich»…
Adeline Stern
Une belle fin (Still Life)
Producteur britannique passé à la réalisation, Umberto Pasolini est certes d’origine italienne, mais il n’entretient aucun lien de parenté avec le regretté Pier Paolo Pasolini. Cette homonymie lourde à porter ne l’a pas empêché de signer une vraie petite perle de cinéma avec «Une belle fin», titre français un peu éloigné de l’original, «Still Life» signifiant «nature morte».
Modeste fonctionnaire dans une banlieue de Londres, John May (Eddie Marsan) a un travail très particulier. Quand vient à décéder une personne sans famille connue, il est chargé de retrouver ses proches. Malgré toute sa bonne volonté, il est toujours seul aux obsèques, veillant à ce que tout se passe dans les règles.
Un jour, le voilà licencié par son chef de service, suite à une restructuration du département. Avant de quitter son poste, John va se faire un point d’honneur à traiter son ultime dossier, celui de celui de Billy Stoke, son propre voisin, mort dans la plus complète solitude… Quand l’humour noir se fait très tendre!
Vincent Adatte
La Rançon de la Gloire
Tout juste sorti de prison, Eddy (Benoît Poelvoorde) est hébergé par son ami Osman (Roschdy Zem) dans la caravane qui lui sert de logis. Apprenant la mort de Chaplin le jour de Noël 1977, Eddy propose à Osman de dérober sa dépouille pour la revendre à sa famille...
Inspiré par le véritable enlèvement contre rançon du cadavre de Charlie Chaplin au cimetière de Vevey en 1978, Xavier Beauvois filme ses personnages de fiction sans-le-sou dans les lieux mêmes où se sont déroulés les faits. Mêlant l’iconographie chaplinesque à sa propre sensibilité pour les démunis, le réalisateur de «Des hommes et des dieux» (2010) confère à son récit une dimension à la fois burlesque et mélodramatique.
En résulte un hommage tragicomique aux laissés-pour-compte et au septième art, comme si, de là-haut, Chaplin mettait une fois encore en scène l’affrontement des pauvres sans travail et des riches oisifs! Comme le dit si bien une réplique du film, ««Leur vie n’est pas un film et elle ne sera jamais du cinéma».
Vincent Adatte
Northmen : A Viking Saga
Les hordes scandinaves ont déferlé sur nos écrans il y a déjà belle lurette, pillant et massacrant dans des films comme «The Viking» de Varick Frissel (1928), «Les Vikings» (1958) de Richard Fleischer, le «Treizième guerrier» (1999) de John McTiernan ou encore, plus près de nous, le fascinant «Valhalla Rising» (2009) de Nicolas Winding Refn.
Réalisée par Claudio Fäh, jeune et audacieux cinéaste helvétique établi à Los Angeles depuis 1999, coproduite entre la Suisse, l’Allemagne et l’Afrique du Sud qui a servi de lieu de tournage, cette nouvelle saga pleine de bruit et de fureur, mâtinée de poésie barbare, narre les déboires d’un drakkar bondé de Vikings à la poésie un brin barbare.
Partis en 873 après Jésus-Christ pour dévaliser un quiet monastère sis en Grande-Bretagne, Asbjörn et les siens essuient une tempête terrible. Malmenés par les éléments déchaînés, ces preux guerriers échouent sur la côte écossaise où, à peine débarqués, ils kidnappent la fille d’un roi, ce que ce dernier est loin d’apprécier…
Adeline Stern
Loin des Yeux
Le dimanche 25 janvier à 20h, le film sera projeté en présence de la réalisatrice, puis suivi d’une discussion et du verre de l’amitié.
Réalisatrice suisse, Britta Rindelaub signe avec «Loin des Yeux» un second long-métrage documentaire tout en pudeur mais d’une grande force émotionnelle. Après avoir accompli un devoir de mémoire bouleversant au sein de sa propre famille avec «Zurück» (2010), la cinéaste a suivi sur une année, à raison de quatre à cinq jours par mois, quatre femmes qui voient grandir leurs enfants loin d’elles.
Sélectionné aux Visions du Réel de Nyon, «Loin des yeux» a pour protagonistes Kashka, Karima, Mirsada et Fatiha, qui purgent à la prison de la Tuilière des peines allant de quelques mois à plusieurs années. Malgré la séparation, elles s’efforcent de rester les mères de leurs enfants.
Certaines d’entre elles continuent à vouloir les élever, à travers les appels téléphoniques quotidiens ou presque, et leurs visites, plus rares, dans le parloir familial, en attendant un congé providentiel, qui permettrait de recréer un peu d’intimité… Un témoignage poignant sur une réalité par trop méconnue en Suisse.
Vincent Adatte
Les Héritiers
Tous les spectateurs en quête d’humanité se feront une joie de découvrir «Les Héritiers», un film qui contredit tous les esprits chagrins morigénant les jeunes d’aujourd’hui. Basée sur une histoire vraie, le troisième long-métrage de la cinéaste française Marie-Castille Mention-Schaar puise son inspiration dans un réel de prime abord fort peu séduisant…
C’est la rentrée, une nouvelle enseignante (interprétée par une Ariane Ascaride en état de grâce) se confronte à la classe très frondeuse d’un obscur lycée de la banlieue parisienne. Contre toute attente, Madame Gueguen prend à revers ses élèves considérés comme irrécupérables, en leur proposant de participer à un concours national d’Histoire portant sur la déportation.
Le sujet est grave et a priori peu propice à susciter l’enthousiasme juvénile… Et pourtant! Coécrit et joué par Ahmed Dramé, l’un des jeunes protagonistes de ce fait-divers, «Les héritiers» a le don plutôt rare de redonner foi en l’être humain et la transmission.
Vincent Adatte
Chic !
Sorte de John Galliano au féminin, l’extravagante Alicia Ricosi (Fanny Ardant) ne décolère pas. Depuis qu’elle a été plaquée par son petit ami, trahison qu’elle a découverte à la une d’un magazine, cette créatrice de mode passe ses nerfs sur sa prochaine collection, qu’elle lacère consciencieusement au cutter.
Désillusionnée, Alicia en perd même son inspiration, au grand dam de son employeur (Laurent Stocker) qui voit la période des défilés se rapprocher dangereusement. Très inquiet, il charge alors sa directrice de la communication (Marina Hands) de trouver une solution. Cette dernière découvre alors que la diva du dé à coudre n’est pas insensible au charme du jardinier paysagiste (Eric Elmosnino) qu’elle vient de renvoyer…
Version très tendance de la fable du Rat des villes et du rat des champs, le nouveau film du réalisateur français Jérôme Cornuau («Les Brigades du Tigre», «La Traversée») est une comédie très enlevé qui égratigne sans remords le milieu souvent snob et décervelé de la mode.
Vincent Adatte
Deux jours avec mon père
Le samedi 17 janvier à 18h, le film sera projeté en présence de la réalisatrice, puis suivi d’une discussion et du verre de l’amitié.
Ancienne collaboratrice de Jean-François Amiguet, la cinéaste veveysanne Anne Gonthier a signé nombre de scénarios de films renommés, dont «La Méridienne», présenté à Cannes en 1988, et «Au Sud des nuages» (2003). Avec «Deux jours avec mon père», elle livre aujourd’hui son premier long-métrage en tant que réalisatrice.
Robert (Jean-Pierre Gos) refuse de se laisser mourir à l’hôpital. Souffrant d’une tumeur au cerveau, il prend la tangente et regagne la montagne de son enfance, où jadis son grand-père l’emmenait camper. La quarantaine, ingénieur, célibataire et stressé, son fils Michel (Stefan Kollmuss) se lance à sa recherche dans l’espoir de le ramener à la raison et aux médecins...
Tourné dans les paysages alpestres et envoûtants du Sanetsch, «Deux jours avec mon père» atteint à une forme de plénitude réconciliatrice, ce qui n’empêche pas quelques moments tragicomiques, parfaitement ciselés par cette scénariste combien talentueuse… Un film dont on ressort apaisé, le cœur plus léger.
Adeline Stern