Primé au Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel 2006 et à celui de Cannes de la même année (Prix Acid), The Bothersome Man (L’homme embêtant) du cinéaste norvégien Jens Liens est un véritable petit chef-d’œuvre d’humour noir, qui grince de partout.

Après s’être jeté sous le métro, un jeune homme se retrouve dans un univers insipide où chacun rivalise de gentillesse souriante. Parachuté dans une ville ripolinée où la lumière du jour est continuellement tamisée, Andreas reçoit un accueil exemplaire. En guise d’occupation, on lui confie un travail dans un bureau où tous ses collègues font preuve d’une amabilité jamais prise en défaut. Et si sexe il y a, c’est de façon machinale, sans tendresse et encore moins d’amour. Les conversations tournent invariablement autour de la meilleure manière d’aménager son intérieur.

Gardant tout de même un vague souvenir des saveurs terrestres, notre héros dépité commence à se percevoir comme une anomalie, se sentant un brin décalé dans ce monde dénué d’émotivité, d’empathie, sans goût ni odeur… Merveilleuse d’ironie, cette évocation faussement placide d’un paradis version «Ikea» cauchemardesque nous incite à espérer qu’il n’y a rien, vraiment rien, après la mort!

Adeline Stern

Avec Trond Fausa AURVAG, Petronella BARKER, Per SCHAANING * Age légal 14 ans / suggéré dès 16 ans * VO sous-titrée

La saga adaptée des livres de l’écrivain américain Robert Ludlum connaît un nouveau rebondissement. Formé à être un tueur parfait, sans scrupule ni mémoire, Jason Bourne (Matt Damon) s’était spectaculairement rebiffé contre ce destin programmé au cours des deux premiers épisodes, La mort dans la peau (The Bourne Supremacy) et La mémoire dans la peau (The Bourne Identity).

Dans ce troisième volet, Jason est retrouvé par les sbires de la CIA. Anticipant sur leur entreprise d’élimination, notre héros va donner des sueurs froides à ses concepteurs en essayant de découvrir sa véritable identité. De Moscou à Paris en passant par Londres, Tanger et New York, ce nouvel épisode de la célèbre série d'espionnage suit les traces de Jason parti à la recherche d’un passé qui lui échappe, jetant toute son énergie dans cette tentative désespérée de se reconstruire…

Tourné par le cinéaste britannique Paul Greengrass, auquel avait déjà été confiée la réalisation de La mémoire dans la peau, ce thriller haletant entraîne le spectateur dans une folle course-poursuite où le plus traqué n’est pas celui que l’on croit… Maîtrisant parfaitement les codes du film d'action à grand spectacle, Greengrass réussit donc avec panache la passe de deux!

Vincent Adatte

Avec Matt DAMON, Julia STILES * Age légal 12 ans / suggéré dès 14 ans

Les admirateurs de l’œuvre graphique de Marjane Satrapi peuvent se rendre au cinéma les yeux fermés. Trêve de plaisanterie, Persepolis constitue une réussite majeure du film d’animation pour adultes (mais très recommandée aux ados)! Partie prenante de cette sublime métamorphose cinématographique, la très tenace Satrapi est parvenue à condenser les quatre volumes de son récit autobiographique, sans rien sacrifier de sa complexité narrative…

Le film commence à Orly, un vendredi, le jour des vols à destination de Téhéran. Une jeune femme pleure en regardant les avions décoller. Le flash-back est lancé et nous ramène en 1988 dans la capitale iranienne. A huit ans, la petite Marjane rêve de changer le monde et suit avec exaltation les événements qui vont provoquer la chute du Chah. La suite ne manquera pas de la décevoir: répression, guerre, exil, mariage malheureux…

Le régime islamique a hurlé à la caricature, mais l’admirable Persepolis porte bien plus loin! Sur le plan esthétique, la transposition atteint aussi la perfection. Satrapi a su à merveille mettre en mouvement ses fameux aplats noirs, en les rehaussant d’une nuance de gris, voire quelques rares couleurs. Le résultat évoque à la fois Vallotton et Murnau, le grand cinéaste allemand expressionniste… Sans conteste, notre coup de cœur, à la fois drôle et déchirant!

Vincent Adatte

Voix de Chiara MASTROIANNI, Catherine DENEUVE, Danielle DARRIEUX * Age légal 10 ans / suggéré dès 14 ans

Lauréat incontestable de la dernière édition du Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel, le sixième long-métrage du cinéaste suédois Roy Andersson confirme l’excellence actuelle des pays nordiques dans le genre.

Pour les spectateurs qui ont eu l’heur de voir son film précédent, le déjà mythique Chansons du deuxième étage (2000), la vision de You, The Living (Vous, les vivants) ne constituera pas vraiment une surprise. Pour tous les autres, il s’agira d’une véritable découverte. Une succession de vignettes restitue en plans fixes insistants un quotidien urbain absurde, gangrené par la mesquinerie et une infinie solitude. Au fur et à mesure, on commence à leur découvrir un point commun: nombre de ces personnages jouent d’un instrument de musique souvent imposant. Au final, l’on découvrira qu’ils œuvrent de concert…

Accumulant ces mini tragédies comiques, Andersson nous brosse un tableau de la condition humaine très peu amène, mais à l’humour salvateur. Sur un mode burlesque qui évoque le grand Jacques Tati, cette approche à froid, qui tranche sur le tout-venant cinématographique et son culte de l’empathie à bon marché, finit par réjouir le cœur, nous réconciliant avec l’idée d’un véritable regard.

Vincent Adatte

Avec Jessica Lundberg, Elisabet Helander, Björn Englund * VO sous-titrée

Pour réaliser Un jour sur terre, cinq ans de tournage ont été nécessaires au cinéaste documentaire britannique Alastair Fothergill qui avait déjà su nous émerveiller avec La planète bleue, évocation fabuleuse du monde sous-marin. Sous sa direction, près de quarante équipes de tournage, équipées des dernières technologies en matière de prises de vue en haute définition, ont sillonné notre planète combien menacée.

Résulte de cette entreprise à vocation écologique, un périple inoubliable qui nous mène, à travers les saisons, de l'océan Arctique au printemps à l'Antarctique en plein hiver. Avant qu’il ne soit trop tard, le spectateur est ainsi convié à prendre toute la mesure des richesses et des beautés du vivant, au sens le plus large du terme. Au-delà du bonheur immédiat suscité par les images de ce spectacle indicible, le film vise à une prise de conscience.

Eléphants d’Afrique, singes, baleines à bosse, ours polaires, les principaux personnages du film sont en effet des animaux adaptés aux conditions du climat local, à la présence plus ou moins importante d’eau douce, à la quantité et la variété de nourriture. Sans jamais nous faire la leçon, Un jour sur terre montre que leurs relations avec le milieu sont complexes et vulnérables.

Vincent Adatte

Avec Anggun * Age légal 7 ans / suggéré dès 10 ans

Depuis une dizaine d’années, une nouvelle génération de cinéastes fait subir au cinéma allemand une véritable cure de jouvence. Après La vie des autres, le public du Royal va pouvoir découvrir en avant-première un autre film tout aussi percutant, Vier Minuten (Quatre minutes) tourné par un réalisateur venu du journalisme.

A quatre-vingts ans passés, Traude Krüger (Monique Bleibtreu) enseigne patiemment le piano dans une prison pour femmes. Un jour, elle se trouve confrontée à une nouvelle détenue aux dispositions exceptionnelles. Ancienne enfant prodige, Jenny von Lœben (Hanna Herzsprung) a été condamnée pour meurtre. Très vite, Traude comprend que la jeune femme possède un talent bien au-dessus de la normale…

A la fois émue et passionnée par son cas, la vieille professeur tente de la préparer pour le Concours d'entrée au Conservatoire. Cela n’ira pas sans mal, tant Jenny se révèle violente, rebelle et autodestructrice. Mais, obstinée, Traude ne désarmera pas, faisant tout ce qui est en son pouvoir pour prouver à son élève que la musique peut être libératrice… Présenté dans une ribambelle de festivals internationaux, le deuxième long-métrage de Chris Kraus a remporté maints prix d’importance, dont celui du Public au dernier Festival de Berlin.

Adeline Stern

Avec Monica Bleibtreu, Hannah Herzsprung, Sven Pippig * Age légal 12 ans / suggéré dès 14 ans * VO sous-titrée

Coécrit avec Sandro Petraglia et Stefano Rulli, les deux scénaristes de Nos meilleures années (2003), Mon frère est fils unique signe le grand retour de l’un des cinéastes italiens les plus attachants de ces deux dernières décennies. Ami cher de Nanni Moretti dont il a été l’assistant, Daniele Luchetti a été révélé en 1991 par Le porteur de serviette, l’un des meilleurs films politiques transalpins jamais tourné.

Surnommé «la Teigne», Accio fait le désespoir de ses parents. Toujours les nerfs à fleur de peau, il aime la polémique et la bagarre. Il ne ressemble donc guère à son frère aîné, Manrico, qui est beau, charismatique et aimé de tous. Dans la province italienne des années soixante et septante, les deux jeunes gens vont suivre deux parcours complètement différents, rivaux en politique et en amour.
Adapté du roman Il Fasciocomunista d'Antonio Pennacchi, Mon frère est fils unique est une véritable comédie à l’italienne souvent irrésistible où Beethoven et Mao font bon ménage. Avec des accents très émouvants, Luchetti y restitue de manière passionnante une période historique bruissante d’utopies, mais qui fut la prémisse aux années de plomb et de sa litanie d’attentats… Acclamé sur la Piazza Grande de Locarno!

Vincent Adatte

Avec Elio Germano, Riccardo Scamarcio, Diane Fleri * Age légal 16 ans / suggéré dès 16 ans * VO sous-titrée

Finement adapté du roman éponyme de Philippe Grimbert, médecin clinicien auprès d’enfants autistes et psychotiques, Un secret du cinéaste français Claude Miller nous plonge dans l’intériorité troublée d’un gosse plutôt solitaire, qui s’invente un frère. C’est là peut-être sa manière de réagir aux remontrances dévalorisantes de son père, lequel déplore souvent son aspect chétif…

Le jour de ses quinze ans, une amie de sa mère ébruite un terrible secret de famille qui, aussi traumatisant soit-il, va enfin lui permettre de se construire… Procédant par retours en arrière successifs, lesquels mettent en perspective trois époques différentes, le cinéaste évoque dans Un secret une tragédie qui l’a touché personnellement. Né en 1942, Miller a en effet perdu la plupart de ses oncles, tantes et grands-parents victimes de la déportation.

Un destin peut basculer en l’espace d’une seconde, d’une décision, d’un ressentiment… Servi par une distribution exceptionnelle (Patrick Bruel, Cécile de France, Ludivine Sagnier, Julie Depardieu, Mathieu Amalric), le nouveau film du réalisateur de L’effrontée, La petite Lili et autre Mortelle randonnée est un devoir de mémoire poignant, dont on ne saurait faire l’économie!

Adeline Stern

Avec Cécile de France, Patrick Bruel, Ludivine Sagnier * Age légal 16 ans / sugréré dès 16 ans * En avant-première

Cinéaste cosmopolite, comme il se plaît à le dire, Barbet Schrœder aime restituer dans ses films l’ambiguïté de la vie et des valeurs, au-delà du bien et du mal. Avec Maître Gérard Vergès, le voilà servi! Pendant deux heures, L’avocat de la terreur nous précipite dans les abîmes vertigineux de l’Histoire où finissent par s’écraser toutes les grandes causes.

Le défenseur de Klaus Barbie et de Slobodan Milosevic toise le spectateur avec son sourire impénétrable. Il a pris tous les risques en accordant le «final cut» au cinéaste qui aura donc le dernier mot. Schrœder entre dans la vie de Maître Vergès, confiant en la capacité du cinéma à faire tomber le masque. Patient, le réalisateur de Koko, le gorille qui parle et de Général Imin Dada fait défiler les témoins historiques, confronte l’avocat à ses contradictions, persuadé que l’image saura le confondre.

Avec un talent fou, Vergès se met à esquiver en endossant tous les rôles, du salaud au justicier, en passant par l’amnésique. Pourtant, il perd peu à peu la partie. La zone d’ombre qui recouvre huit ans de sa vie, où personne ne sait où il était et surtout ce qu’il faisait, menace de l’engloutir… Un des plus grands documentaires de l’Histoire récente du cinéma, à voir absolument!

La projection sera précédée par une petite conférence sur le thème du documentaire donnée par le critique de cinéma Vincent Adatte.

Adeline Stern

Avec Jacques VERGES, Béchir BOUMAZA, Hans-Joachim KLEIN * Age légal 12 ans / suggéré dès 16 ans

Actrice française assez déjantée, Julie Delpy est établie à Los Angeles depuis quinze ans. Touche à tout, elle ne se contente pas de jouer pour les autres. L’égérie du réalisateur Richard Linklater tourne aussi ses propres films dont elle compose la musique. Sur le plateau, elle coiffe indifféremment les casquettes de scénariste, de productrice et de monteuse!

Pour son deuxième long-métrage, la petite «frenchy d’Hollywood» s’est sans doute un brin inspirée de son propre vécu. Dans 2 Days in Paris, elle interprète le rôle de Marion, photographe de son métier, qui vit à New York avec Jack (Adam Goldberg), un architecte d’intérieur. De retour d’un voyage décevant à Venise, les jeunes gens décident de s’arrêter deux jours à Paris, histoire de récupérer le chat que Marion a laissé en pension chez ses parents.

Avec une certaine révulsion, Jack fait alors connaissance de la famille foutraque et libertaire de la jeune fille dont il est épris. D’esprit plutôt prude, il s’effraye des mauvaises manières des Parisiens, d’autant plus qu’il croise sans cesse dans la rue des ex de sa belle. Le jeune couple y survivra-t-il? Dans la lignée de Woody Allen, en plus cru, une comédie de mœurs vacharde qui ne ménage ni les Américains, ni les Français!

Vincent Adatte

Avec Julie DELPY, Adam GOLDBERG, Daniel BRUEHL * Age légal 12 ans / suggéré dès 16 ans * VO sous-titrée