Deuxième long-métrage du comique Dany Boon, Bienvenue chez les Ch’tis est en passe de devenir l’un des plus grands succès de l’Histoire du cinéma français, menaçant de détrôner au box-office l’«indéboulonnable» Grande vadrouille. Directeur bonhomme de la poste de Salon-de-Provence, Philippe Abrams magouille dans le dessein de se faire nommer dans une officine de la Côte d’Azur, exauçant ainsi le souhait de sa femme dépressive.

La manœuvre échouant lamentablement, notre fonctionnaire est muté dans une petite ville «sinistre» du Pas-de-Calais! S’attendant au pire, Philippe laisse femme et enfant dans le Sud ensoleillé. Mais, contrairement à ce qu’il pensait, les Ch’tis du Nord se révèlent très accueillants! Revenant le week-end dans ses pénates, Philippe prend soin de décrire sa nouvelle affectation comme un calvaire, histoire de ne pas trop inquiéter son épouse…

A l’heure du tout global qui ne laisse pas d’inquiéter, cet éloge sincère des particularismes et des accents inspire une sympathie immédiate, sans doute à l’origine de l’adhésion de millions de spectateurs. Par ailleurs, Boon a parfaitement huilé sa mécanique comique fondée sur le quiproquo et les faux-semblants, laquelle s’emballe même de façon irrésistible sur la fin… Vains nom!

Vincent Adatte

Avec Kad MERAD, Dany BOON, Zoé FELIX * Age légal 7 ans / suggéré dès 12 ans

Dans le cadre de «Mon Ciné» fête ses 10 ans, troisième «rencontre d’un cinéaste», le film sera précédé d’un repas aux saveurs de la Nouvelle Orléans et suivi d’une discussion avec l’auteur.

Dernier documentaire en date de Peter Entell, Shake The Devil Off (Débarrasse-toi du diable) décrit le combat mené par des paroissiens pour sauver leur église menacée de fermeture. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle église… Située au cœur de La Nouvelle-Orléans, la paroisse Saint-Augustin est un symbole. Construit en 1841, cet édifice religieux a été le premier lieu où Blancs et Noirs ont prié côte à côte.

Pour les musicologues, Saint-Augustin a aussi été le berceau du jazz. Esclaves et affranchis de couleur venaient y prier, chanter et danser… Arguant des dommages causés par l’Ouragan Katrina en août 2005, l’Archevêché veut pourtant faire fermer l’église. Le vieux curé afro-américain en charge de son ministère rameute fidèles et musiciens pour organiser la résistance… Hélas Dieu ne répond pas aux prières et semble sourd à la musique!

Les mutinés de Saint-Augustin durcissent alors le ton et s’efforcent de faire la preuve du caractère raciste de la décision de l’Archevêque… La caméra respectueuse du cinéaste restitue toutes les étapes de cette lutte, qui met en jeu la faculté d’espérer de gens à peine sortis du cauchemar de Katrina. Au passage, Entell ne manque pas d’évoquer la politique de nettoyage ethnique qui prévalut après le passage de l’ouragan!

Vincent Adatte

Avec Sandra Gordon, Al Harris, Père Jerome LeDoux * VOST

Dans le cadre de «Mon Ciné» fête ses 10 ans, troisième «rencontre d’un cinéaste», le film sera suivi d’une discussion avec l’auteur puis d’un repas aux saveurs de la Nouvelle Orléans.

Encore peu connu sous nos latitudes, Peter Entell est pourtant l’un documentaristes suisses les plus passionnants du moment. Né à New York en 1952, licencié en anthropologie, Entell réalise des documentaires depuis 1983. Portrait d’un roller kamikaze, son premier long-métrage, Rolling (1997), lui a apporté une consécration internationale.

Réalisé quatre ans après Le tube, qui enquête sur les méfaits du petit écran sur notre cerveau, Les arbres de Josh (2005) élève le thème de la transmission à des hauteurs rarement atteintes… Ami de longue date de Peter Entell, le cinéaste Josh Hanig apprend qu’il a le cancer. Se sachant condamné, Josh commence à se filmer. Il filme aussi Marshall, son fils à peine né, lui enregistre des messages, avant de mourir…

Après sa disparition, Entell reprend le flambeau. Honorant une promesse qu’il a faite à Josh, il répertorie toutes les traces cinématographiques laissées par le défunt à l’attention de son fils, les complète et en fait un documentaire dont le propos, malgré son caractère intime, atteint à une universalité bouleversante. A cinq ans, Marshall commence à s’interroger sur la personne de son père… Les images lui auront-elles donné toutes les réponses?

Vincent Adatte

Avec Josh Hanig, Marshall Leitner-Hanig, Leslie Leitner * VOST

Dès Riens du tout (1995) dont l’action était située dans un grand magasin, le cinéaste français Cédric Klapisch a montré sa prédilection pour les films choraux qui font se croiser des personnages dans un espace délimité. Participant du même principe, mais à plus grande échelle, L’auberge espagnole (2001) et Les poupées russes (2005) restituaient les destinées sentimentales de jeunes européens en quête d’une identité commune.

Avec Paris, Klapisch se recentre sur la capitale parisienne qui offre un cadre général à une quinzaine de personnages qui y vivent, y travaillent, s’aiment ou se détestent. Ambitionnant de créer une manière de réplique contemporaine à La comédie humaine de Balzac, le réalisateur de Un air de famille (1996) suit leurs trajectoires qu’il croise de façon virtuose, donnant naissance à de multiples possibles…

Chaque protagoniste apporte sa pièce au grand puzzle existentiel que forme peu à peu le cinéaste, à l’exemple de ce jeune danseur atteint d’une grave affection cardiaque ou de ce professeur d’université solitaire qui a le coup de foudre pour l’une de ses jeunes étudiantes… Portée par une brochette d’acteurs exceptionnelle, une œuvre dont la fine polyphonie fait penser au meilleur Lelouch!

Adeline Stern

Avec Juliette BINOCHE, Romain DURIS, Fabrice LUCHINI

Dans les plaines désertiques du Texas, un marché passé entre trafiquants de drogue a tourné au massacre. Cow-boy désargenté, Moss (Josh Brolin) découvre une belle galerie de cadavres et une valise bourrée de dollars. En ramassant le magot, le pauvre ne se doute pas qu’il va déclencher une réaction en chaîne d’une violence inouïe. Il a à ses trousses un shérif à la veille de la retraite (Tommy Lee Jones) et un tueur effrayant (Javier Bardem) qui décide du sort de ses victimes à pile ou face.

Commence alors une course-poursuite haletante à travers les paysages démythifiés de l’Ouest parsemés de motels miteux, subtil dosage entre la farce sanglante et le questionnement métaphysique dont seuls les frères Coen détiennent le secret. Comme chargé de la mémoire de tous les récits de l’Ouest, le représentant de la loi blasé commente à distance ce dégommage en règle de la légende.

Adapté du roman homonyme de Cormac McCarthy (traduit en français sous le titre Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme), récompensé par l’Oscar du meilleur film, ce chef-d’œuvre constitue la synthèse à la fois grinçante et distanciée de deux genres majeurs du cinéma américain, le film noir et le western… Fondés dans et par la violence, les Etats-Unis payent toujours ces origines troubles au prix fort!

Vincent Adatte

Avec Tommy LEE JONES, Javier BARDEM, Josh BROLIN * Age légal 16 ans / suggéré dès 16 ans * VO sous-titrée

Avec des superproductions comme Independence Day (1996) ou Le jour d’après (2004), Roland Emmerich s’est taillé une réputation de cinéaste à succès. Situé dix mille ans avant Jésus-Christ, le septième long-métrage américain de ce cinéaste de nationalité allemande constitue sa première incursion dans le genre «préhistorique».

Pour les beaux yeux bleus d’une orpheline à l’origine mystérieuse, un jeune homme de Cro-Magnon se met en tête d’abattre un mammouth. Las, sa promise est enlevée par des esclavagistes. Ni une ni deux, notre héros vole à son secours, n’hésitant pas à s’aventurer dans des territoires inconnus… Rupestre mais spectaculaire!

Adeline Stern

Avec Nathanael BARING, Tim BARLOW, Camilla BELLE * Age légal 10 ans / suggéré dès 12 ans

Derrière ce titre mystérieux se cache l’un des «premiers» films français parmi les plus réussis de l’an passé. Etudiante à la Fémis (Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son), Céline Sciamma s’est astreinte à écrire un scénario de long-métrage pour décrocher son diplôme de fin d’études. Impressionné par la qualité de son écriture, le jury de professionnels appelés à juger son travail l’ont enjointe de réaliser au plus vite son projet!

Naissance des pieuvres a pour cadre une piscine de banlieue, au cœur de l’été, un univers aseptisé où s’entrechoquent pudeur, intimité et désir. Membres d’un club de natation synchronisée, trois adolescentes s’entraînent durement pour parvenir à tirer un maximum de grâce de leurs ballets nautiques, dont certaines figures font en effet penser aux mouvements des pieuvres. Sitôt sorties du bassin, Floriane, Anne et Marie perdent leur belle eurythmie pour se confronter à la naissance problématique de leur féminité. Gauches mais avides de métamorphoses, ces trois jeunes filles peu conformes aux canons de la séduction vivent alors leurs premiers désirs qui restent la plupart du temps de l’ordre de l’inassouvi.

Joué par des actrices non professionnelles sidérantes de justesse, Naissance des pieuvres prend à contre-pied tous les fantasmes générés par ce genre de situation. Très loin de tout sentimentalisme, la réalisatrice réussit à s’affranchir des idées reçues pour décrire avec une justesse stupéfiante ce temps «invivable» de l’adolescence au féminin… Oublié par les distributeurs suisses, ce premier long-métrage bénéficie néanmoins d’une sortie furtive grâce au bien nommé «Halluciné», le ciné-club de l’Université de Neuchâtel, qui en a importé temporairement la copie et qui transite bien évidemment au Royal pour une projection unique.

Vincent Adatte

Avec Adèle HAENEL, Pauline ACQUART, Louise BLACHERE

Jeudi 20 mars à 20h. La séance est offerte aux «Amis du Royal» sur simple présentation de leur carte de membre. Renseignements au 079/ 797 26 15

Lion d’Or du dernier Festival de Venise, le nouveau film à costumes du réalisateur Ang Lee est un piège fascinant tendu au spectateur. Sexe, pouvoir et faux-semblants en sont les ingrédients fatals. Après Le secret de Brokeback Mountain (2005), qui avait déjà remporté la récompense suprême à la Mostra de Venise, le Taïwanais Ang Lee est revenu tourner en Chine un film à costumes tiré d’une nouvelle de la romancière chinoise Eileen Chang (1920-1995), inspirée de faits authentiques…

Lust, Caution se déroule en 1942, sous l’occupation japonaise. Une troupe théâtrale formée de militants nationalistes enrôle Mlle Wong, une jeune et modeste étudiante, pour lui faire jouer un rôle très exposé. Devenue Mme Mak, épouse d’un honorable homme d’affaires, elle a pour mission de gagner la confiance de Mme Yee, de manière à pouvoir approcher M. Yee, chef redouté de la police chinoise collaborationniste.

L’espionne pense arriver à ses fins en adhérant au cercle de mah-jong de Mme Yee. Elle doit s’y reprendre à deux fois, avant de réussir à réaliser son objectif: séduire M. Yee pour l’entraîner dans un guet-apens mortel. Un grain de sable vient cependant gripper la machination, donnant tout son sens au beau titre mystérieux et contradictoire du film… désir, prudence!

Vincent Adatte

Avec Tony LEUNG CHIU WAI, Tang WEI, Joan CHEN * Age légal 16 ans / suggéré dès 16 ans * VO sous-titrée

Dieu soit loué, enfin un dessin animé qui ne prend pas les mômes pour des idiots! Publié en 1961, Les trois brigands de l’illustrateur et conteur Toni Ungerer reste toujours un merveilleux livre pour enfants. Très bien troussée, son adaptation cinématographique du jour ne fera pas crier à la trahison, même si les scénaristes ont dû un peu digresser, en raison de la brièveté du récit d’origine.

Les trois méchants brigands sont bel et bien au rendez-vous et détroussent sans aucun scrupule les malheureux voyageurs qui se sont aventurés dans la forêt profonde. Or les voilà qui dégottent dans une diligence une petite orpheline qui n’a pas froid aux yeux. Loin de s’effrayer, la malicieuse Tiffany va transformer nos trois canailles du tout au tout, les dressant à faire de bien bonnes actions…

Mené par un narrateur bonhomme à l’accent alsacien qui n’est autre qu’Ungerer, le film diffuse le même climat de douce et juvénile terreur que le livre, faisant un sort à tout moralisme benêt. Le graphisme sublime et plein d’aspérités du dessinateur strasbourgeois est de surcroît très bien rendu.
Enfin, la chanson est absolument délicieuse… Gageons que toute la famille la chantonnera sitôt sortie du cinéma!

Adeline Stern

Age légal : Pour tous

Le nouveau film à succès de la réalisatrice de Je vous trouve très beau (2005) pousse dans ses derniers retranchements la formule éprouvée du vaudeville mâtiné d’adultère «posthume»…

Anne-Marie (jouée par une Michèle Laroque en grande forme) perd son mari dans un accident de voiture. Très peu éplorée, la veuve joyeuse se sent enfin libre d'aimer l’homme (Jacques Gamblin) qu'elle voit en cachette depuis deux ans. Las, c’était sans compter sur sa belle famille qui s’éternise à ses côtés pour la soutenir dans son «chagrin»… Une comédie de mœurs alerte qui se moque gentiment de nos rêves d’émancipation!

Vincent Adatte

Avec Michèle LAROQUE, Jacques GAMBLIN, Wladimir YORDANOFF * Age légal 10 ans / suggéré dès 16 ans